Rêveries

Au fil de mes vagabondages ce "Blog" présente principalement des billets d'humour

De la charité

Le 16/06/2010

    Dans les pays où la vie est difficile pour la plupart des habitants, dès qu’une région s’ouvre au tourisme, on a tôt fait d’en constater les effets pervers. D’un côté les touristes, la mine épanouie (ne doutant pas un instant de la valeur de leur geste), distribuant généreusement menue monnaie (voire stylos ou friandises), de l’autre, ceux qui sollicitent à longueur de journée l’étranger de passage, et les enfants qui accourent de toutes parts : «bonjour Monsieur, bonjour Madame, comment tu t’appelles ? donne-moi de l’argent».
    J’ai pour principe de m’abstenir de donner aux mendiants et quémandeurs de toutes sortes — c’est ainsi qu’on les avilit (avec notre condescendance) et les asservit (tout en se faisant plaisir), ce n’est pas comme ça que l’on peut régler leurs problèmes (sans une action politique). Mais c’est une position intenable. En voyage je fais fréquemment l’aumône — et c’est à chaque fois en éprouvant le même malaise. Et dire que certains se donnent ainsi bonne conscience !

                                        «Vous sortiez de l'église et, d'un geste pieux,
                                         Vos nobles mains faisaient l'aumône au populaire,
                                         Et sous le porche obscur votre beauté si claire
                                         Aux pauvres éblouis montrait tout l'or des cieux.» (...)

                                                (Suivant Pétrarque)   José Maria de Heredia


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Magie noire et blanche

Le 14/06/2010

      Après quelques jours de ciel bleu à Rabat le temps redevient maussade : vent et pluie intermittente.
      Dans la médina, sur une petite place entre rempart et marché central, installés à de petites tables coiffées de parasols, une dizaine d’écrivains publics reçoivent leurs clients — tous assis sur des chaises dépareillées, rafistolées et branlantes. Ils tapotent d’un ou deux doigts sur de grosses machines à écrire mécaniques d’un autre âge. Juste à côté un grand panneau indique avec une flèche : club internet, traitement de texte, imprimante, photocopies.
      Le ciel est uniformément gris. Assis à la terrasse couverte d’un café, je regarde passer de pimpantes jeunes Marocaines haut perchées sur leurs talons aiguilles. Tandis qu’à côté de jeunes Noires font la manche. Il y en a ainsi dans la plupart des grandes villes marocaines — et tout particulièrement à Casablanca, Rabat et Tanger. Certaines ont un bébé dans le dos. J’imagine tout ce qu’elles ont dû vivre depuis leur départ d’Afrique noire — leur rêve d’Europe brisé dans une impasse.
      Un marchant ambulant déploie ses parapluies sur le trottoir et se met à crier : parapluie, parapluie, parapluie... Le ciel s’éclaircit et le soleil apparaît.

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Suprême harmonie

Le 11/06/2010

    Le voyageur évite, autant que faire se peut, les établissements hôteliers pour touristes. Il s’immerge dans la population des pays qu’il visite, loge et mange, de préférence, dans des auberges et restaurants fréquentés par les gens du coin. Dans un charmant petit hôtel où, depuis de nombreuses années, j’ai l’habitude de m’arrêter (Ali, le patron, est devenu un ami) les quelques chambres se distinguent par leur suprême harmonie. (La personne qui a scellé les lavabos ne devait avoir qu’une chaussure — au pied droit.) Avec un souci de raffinement — probablement — la tringle des rideaux est assortie au lavabo.


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Éclats de vers

Le 11/06/2010

On doute
 La nuit...
J'écoute !
Tout fuit,
   Tout passe ;
L'espace
Efface
           Le bruit.           

Victor Hugo  (Les Djinns)

           Comme il fait noir dans la vallée !
 J'ai cru qu'une forme voilée
 Flottait là-bas sur la forêt.
Elle sortait de la prairie ;
       Son pied rasait l'herbe fleurie ;
C'est une étrange rêverie ;
    Elle s'efface et disparaît.       

   Alfred de Musset  (La nuit de Mai)

             À te voir marcher en cadence,    
      Belle d'abandon,
         On dirait un serpent qui danse
                            Au bout d'un bâton.                  

    Baudelaire  (Le serpent qui danse)

Elle s'est endormie, un soir, croisant ses bras,
 Ses bras souples et blancs sur sa poitrine frêle,
     Et fermant pour toujours ses yeux clairs, déjà las
   De regarder ce monde, exil trop lourd pour Elle.

                                            Charles Cros  (Elle s’est endormie, un soir...)

          Elle nous proposa ses fleurs d'une voix douce,
En souriant avec ce sourire qui tousse,
             Et c'était monstrueux, cette enfant de sept ans
           Qui mourait de l'hiver en offrant le printemps.

                                  François Coppée  (La petite marchande de fleurs)

        J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ;
des guirlandes de fenêtre à fenêtre ;
            des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse.

                                                               Arthur Rimbaud

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La tête dans les étoiles

Le 10/06/2010

    À Chefchaouen, comme dans la plupart des villes marocaines, rien n’égale les terrasses des toits pour contempler le coucher de soleil et, la nuit tombée, rêver la tête dans les étoiles. C’est une position idéale pour bien saisir le changement d’humeur de la ville à ce moment sensible, presque magique, où le jour cède humblement sa place au mystère la nuit : les montagnes s’estompent, les bruits se font plus discrets, les odeurs plus suaves... les lumières de la médina se révèlent par touches successives.
Alors, entre deux scintillements, on embarque sur un tapis volant.
À 20h la lune veille sur les étoiles afin qu’aucune ne s’égare dans les profondeurs de l’infini.
Mais la lune est facétieuse.
À 23h elle a disparu. Certaines étoiles en profitent pour se faire la belle. On les voit filer dans le ciel.

    «La nuiiiiiit est une femme à barbe ... Les astres sont les bijoux d’or, oubliés par la Castafiore»
chante Brigitte Fontaine.

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La cale

Le 09/06/2010

      Tout contre le versant de la montagne où je m’étais assis, en m’assoupissant j’ai vu l’ombre bouger. Je me suis aussitôt retourné : le sommet, étrangement incliné, penchait, penchait... tout allait basculer. Alors... j’ai calé la montagne.

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La maison de l'elfe

Le 09/06/2010

    Je suis repassé, non sans émotion, devant la maison de pierre d’un elfe. Je suis certainement le seul à savoir qu’il habite là. C’est qu’il y a deux ans il m’est magiquement apparu. Lors d’une promenade nocturne — comme de bien entendu par une nuit de pleine lune —, intrigué par le souffle chaud qui émanait de ce monolithe de pierre, je m’en suis approché. Il semblait respirer : un murmure s’en échappait — plus chantant que le bruit du vent, plus léger que le ruissellement de l’eau. J’avais dans ma poche un galet — de la forme et de la grosseur d’un œuf de cygne — que, selon ma manie, j’avais ramassé quelques jours plus tôt sur une plage. J’ai alors eu l’idée d’en frapper trois petits coups sur la paroi de pierre. Ce fut presque une caresse tant la texture du galet était lisse et douce (je pense qu’avec un vulgaire caillou j’aurais égratigné la roche et ça n’aurait pas opéré). Sans qu’aucune porte n’eut besoin de s’ouvrir un elfe a surgi. Les bras croisés il ne cessait de sautiller d’un pied sur l’autre, de se dandiner de droite à gauche. (Un elfe n’a pas d’âge. À voir les nombreuses et profondes griffures de la roche, il a dû connaître des époques tumultueuses — il fallait qu’il se sente suffisamment en confiance pour prendre le risque de sortir de son refuge de pierre.) Il m’a salué en clignant d’un œil tandis que, de l’autre côté, son oreille se recourbait, puis il a inversé et recommencé trois fois de suite. Il semblait satisfait de son effet parce qu’à chaque fois son sourire narquois remontait un peu plus haut — jusqu’aux oreilles. La lune se mirait dans ses grands yeux de biche — et il lui a suffi de les fermer pour disparaître à jamais. (Cette année je n’ai pas de galet dans ma poche.)

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L'averse

Le 08/06/2010

L’averse

 
      Que j’aime l’averse,
       Lorsqu'on la traverse
         À grande enjambées ;

 Libérant la terre
     En un long parterre
        D’effluves exhumés ;

     Qui des demoiselles
    Fait des hirondelles
       De leur nid tombées ;

Et des étrangers
   Fait se rassembler
    Tels des naufragés.

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Les ânes en pantalon

Le 05/06/2010

Parmi tous les ânes en pantalon que j'ai rencontrés, l'un d'eux avait quatre pattes.

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