Rêveries et poésie
Le 01/09/2016
«Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux ;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d’agate.»
«De sa fourrure blonde et brune
Sort un parfum si doux, qu'un soir
J'en fus embaumé, pour l'avoir
Caressée une fois, rien qu’une.»
Charles Baudelaire
Le 08/02/2015
... "Je rêve dans un lit où je suis fagoté,
Comme un lièvre sans os qui dort dans un pâté" ...
Le paresseux Saint-Amant
Le 30/11/2014
... " Ce n'était pas un temple aux ombres bocagères,
Où la jeune prêtresse, amoureuse des fleurs,
Allait, le corps brûlé de secrètes chaleurs,
Entre-bâillant sa robe aux brises passagères " ...
Un voyage à Cythère Baudelaire
Le 18/04/2014
À Lisbonne ce sont les pavés que l'on habille de peur qu'ils prennent froid.
Le 07/04/2014
À Serpa on prend soin des vieil-ar-bres, on leur met des écharpes pour qu'ils ne prennent pas froid.
Le 23/06/2012
Face à la mer
Du haut des nuages apparaît
La tête de Poséidon ;
Une paille lui suffirait
Pour vider la mer jusqu’au fond.
À nous la cité engloutie,
Les vaisseaux chargés de trésors :
Bijoux de pierres sertis
Et coffres de pièces d’or.
Œil de verre et jambe de bois,
Pirate-fantôme hors la loi,
Tout un univers légendaire ;
Sirènes sans contrefaçon
Jouant les hôtesses de l’air...
Oh ! mon dieu, non ! et les poissons !
Le 14/02/2011
Le grillon albinos
Pris à ce sournois jeu d’enfant,
Sous le simple titillement
D’une brindille, le grillon,
Surpris, se rend à reculons.
En si bel habit des dimanches,
Avec des ailes toutes blanches
Sur livrée caramel au lait,
De le voir ainsi, il me plait.
Je sus plus tard la chose rare.
Dans le repli de la mémoire,
Précieux trésor de l'enfance,
Il chante encore lorsque j’y pense.
Le 23/11/2010
Partir en fumée
À regarder tous ces corps livrés au bûcher,
Sur la berge du grand fleuve sacré, brûler
En n’ayant qu’un seul pied, drôle de destinée,
L’autre, résigné, déjà parti en fumée,
Je sais désormais que sur l’ultime autre rive,
C’est, sans rire, à cloche-pied que l’on y arrive.
La plus sûre manière de monter au Ciel
C’est sans nul doute de partir en fumée.
Le 20/06/2010
Les grandes tiges des plantes grasses sont désormais en fleurs (bien que celles-ci soient quelque peu passées). Elles sont devenues quasiment des arbres, en forme de candélabres géants.
Je regardais tous ces bouquets de fleurs, formant autant de plates-formes étagées, à la surface desquelles les minces pétales jaunes, légèrement agités par le vent, vibraient sous l’éclat du soleil comme une multitude de petites flammes. C’est alors que, dans les vibrations de l’air, j’aperçus au sommet, sur le plus haut bouquet, trois fées qui dansaient.
Si graciles et légères elles semblaient voler — et le fait est qu’elles avaient des ailes. Lassées de virevolter sur un bouquet elles se laissaient, en tournoyant doucement, descendre sur la plate-forme suivante. Ainsi arrivées sur le dernier bouquet, sitôt leur danse terminée, elles se sont envolées...
Si j’avais eu un filet à papillons au bout d’une longue perche (?) ...
Le 18/06/2010
Papillons oranges
Ô j’ai fait ce rêve étrange
De beaux papillons oranges
— Oui j’ai bien “vu” la couleur,
Pu percevoir leur splendeur —
Qui s’échappaient en nuée
De ma bouche et de mon nez.
Je me disais, oppressé,
Qu’à ce point parasité,
Si je ne pouvais rien faire,
Ma peau ne valait pas chère.
Épris de vie, le cœur gros,
Je m’éveillais en sursaut.
En pleine nuit, un client
De l’hôtel, très mécontent,
Vociférait, et dehors
Un chien hurlait à la mort.
La mort pas encore, c’est dit
Je me rendors, à lundi.
Le 11/06/2010
On doute
La nuit...
J'écoute !
Tout fuit,
Tout passe ;
L'espace
Efface
Le bruit.
Victor Hugo (Les Djinns)
Comme il fait noir dans la vallée !
J'ai cru qu'une forme voilée
Flottait là-bas sur la forêt.
Elle sortait de la prairie ;
Son pied rasait l'herbe fleurie ;
C'est une étrange rêverie ;
Elle s'efface et disparaît.
Alfred de Musset (La nuit de Mai)
À te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bâton.
Baudelaire (Le serpent qui danse)
Elle s'est endormie, un soir, croisant ses bras,
Ses bras souples et blancs sur sa poitrine frêle,
Et fermant pour toujours ses yeux clairs, déjà las
De regarder ce monde, exil trop lourd pour Elle.
Charles Cros (Elle s’est endormie, un soir...)
Elle nous proposa ses fleurs d'une voix douce,
En souriant avec ce sourire qui tousse,
Et c'était monstrueux, cette enfant de sept ans
Qui mourait de l'hiver en offrant le printemps.
François Coppée (La petite marchande de fleurs)
J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ;
des guirlandes de fenêtre à fenêtre ;
des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse.
Arthur Rimbaud
Le 10/06/2010
À Chefchaouen, comme dans la plupart des villes marocaines, rien n’égale les terrasses des toits pour contempler le coucher de soleil et, la nuit tombée, rêver la tête dans les étoiles. C’est une position idéale pour bien saisir le changement d’humeur de la ville à ce moment sensible, presque magique, où le jour cède humblement sa place au mystère la nuit : les montagnes s’estompent, les bruits se font plus discrets, les odeurs plus suaves... les lumières de la médina se révèlent par touches successives.
Alors, entre deux scintillements, on embarque sur un tapis volant.
À 20h la lune veille sur les étoiles afin qu’aucune ne s’égare dans les profondeurs de l’infini.
Mais la lune est facétieuse.
À 23h elle a disparu. Certaines étoiles en profitent pour se faire la belle. On les voit filer dans le ciel.
«La nuiiiiiit est une femme à barbe ... Les astres sont les bijoux d’or, oubliés par la Castafiore»
chante Brigitte Fontaine.
Le 09/06/2010
Je suis repassé, non sans émotion, devant la maison de pierre d’un elfe. Je suis certainement le seul à savoir qu’il habite là. C’est qu’il y a deux ans il m’est magiquement apparu. Lors d’une promenade nocturne — comme de bien entendu par une nuit de pleine lune —, intrigué par le souffle chaud qui émanait de ce monolithe de pierre, je m’en suis approché. Il semblait respirer : un murmure s’en échappait — plus chantant que le bruit du vent, plus léger que le ruissellement de l’eau. J’avais dans ma poche un galet — de la forme et de la grosseur d’un œuf de cygne — que, selon ma manie, j’avais ramassé quelques jours plus tôt sur une plage. J’ai alors eu l’idée d’en frapper trois petits coups sur la paroi de pierre. Ce fut presque une caresse tant la texture du galet était lisse et douce (je pense qu’avec un vulgaire caillou j’aurais égratigné la roche et ça n’aurait pas opéré). Sans qu’aucune porte n’eut besoin de s’ouvrir un elfe a surgi. Les bras croisés il ne cessait de sautiller d’un pied sur l’autre, de se dandiner de droite à gauche. (Un elfe n’a pas d’âge. À voir les nombreuses et profondes griffures de la roche, il a dû connaître des époques tumultueuses — il fallait qu’il se sente suffisamment en confiance pour prendre le risque de sortir de son refuge de pierre.) Il m’a salué en clignant d’un œil tandis que, de l’autre côté, son oreille se recourbait, puis il a inversé et recommencé trois fois de suite. Il semblait satisfait de son effet parce qu’à chaque fois son sourire narquois remontait un peu plus haut — jusqu’aux oreilles. La lune se mirait dans ses grands yeux de biche — et il lui a suffi de les fermer pour disparaître à jamais. (Cette année je n’ai pas de galet dans ma poche.)