Familles homoparentales

      À l’heure où est discuté le projet d’institution du mariage homosexuel, avec la possibilité d’adoption d’enfants, voici une réflexion sur les familles homoparentales.

      Les familles homoparentales dérangent, à commencer par leur formulation qui constitue en elle-même une reconnaissance. On y voit sans le dire clairement un risque de “perversion” de l’enfant, en tout cas pour le moins des conditions qui ne seraient pas bonnes pour son évolution psychique, et tout particulièrement pour l’acquisition d’une identité sexuelle “normale”. Les éléments psychiques de base de l’identité sexuelle (à la suite de l’identité de genre acquise plus tôt) sont intégrés lors de la phase phallique (de trois à six ans), et c’est même la fonction essentielle du complexe œdipien. Pour que cette étape du développement remplisse normalement sa fonction il faut deux irréductibles conditions : que d’une part l’enfant ressente qu’il n’est pas seul objet du désir de sa mère (d’un de ses parents), qu’il se rende compte de la place du père (de l’homme) dans le désir de celle-ci (de la place de l’autre parent, ou d’un autre), il entre ainsi dans un jeu de rivalité (de jalousie) qui lui permet de prendre la mesure du rôle de la sexualité génitale dans la vie de l’adulte ; que d’autre part il y ait parmi ses proches (les personnes “en chair et en os” qu’il aime et qu’il estime — les modèles d’identification plus distants n’ayant qu’un rôle complémentaire) au moins un représentant suffisamment valorisé de chacun des deux sexes, afin de satisfaire à la nécessité du jeu des identifications différentielles. Ainsi dans une famille homoparentale (l’enfant vivant avec deux mères ou deux pères, ou avec sa mère et sa compagne ou son père et son compagnon) la première condition est assurément remplie. Une femme peut se marier et avoir des enfants (par souci de conformité sociale) sans pour autant que l’homme ait vraiment sa place dans son désir, par contre lorsqu’un couple de femmes — ou d’hommes — revendique une reconnaissance sociale avec statut familial, on peut être certain que chacun des partenaires a toute sa place dans le désir de l’autre, et que par conséquent l’enfant ne sera pas objet d’emprise compensatoire de l’un des deux. Reste alors à satisfaire la deuxième condition et là, comme dans le cas des familles monoparentales, ce n’est généralement pas très difficile, grâce à la présence des grands-parents, d’oncles et tantes ou tout simplement d’amis. De plus tout enfant sait bien qu’il faut une femme et un homme pour engendrer un bébé, et là encore il convient que l’enfant soit clairement informé sur ses parents biologiques, les particularités de son histoire familiale, ainsi que sur la nature des liens unissant ses parents. Il ne faut pas sous-estimer les possibilités d’adaptation et de compréhension des enfants, d’autant qu’ils n’ont pas les préjugés des adultes. L’homoparentalité ne constitue pas a priori en soi un problème pour l’enfant, par contre la tolérance de l’environnement social est problématique. Lorsque les parents font l’objet de réprobation sociale, sont rejetés et décriés par leur entourage, l’enfant ne peut qu’en souffrir avec d’inévitables conséquences psychiques. L’évolution des mœurs ne se décrète pas. Et le psychologue qui n’a pas à édicter les normes, n’a pas non plus dans sa pratique professionnelle à faire valoir ses choix idéologiques — pas plus au nom d’un prétendu intérêt de l’enfant.  

      Extrait de mon livre  Le psychisme, Réalité et Sujet psychiques, Ellipses, 2009.
                                                  Daniel Fanguin 

     

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