Les jours de vent marin, la plage est lisse et souple. La démarche élastique, vivifié par l’air de l’océan, le promeneur se sent pousser des ailes. Si ce n’était la nette précision des empreintes de ses pas sur le sable, il oublierait qu’il marche, pour se laisser porter au gré du vent. Ainsi ces bribes d’écume, telles des barbes à papa, tout juste détachées d’un rocher pour, de roulades en culbutes, s’adonner à de nouvelles embrassades.
Les jours de sirocco — ou de chergui — la plage se relâche et se ride. Aveuglé par la poussière, ramolli par la chaleur suffocante de l’air, les pieds s’enfonçant dans un sable meuble, le promeneur peine à se détacher du sol pour avancer. Sur ses vêtements qui lui collent au corps, les marbrures de sueur, piégeant la fine poussière de désert qui s’insinue partout, dessinent des arabesques ocre-foncé. Dans cet étouffant nuage les limites entre sable et eau s’estompent, jusqu’à l’horizon de l’océan ne règne plus que le ocre-jaune.
Lorsque, le soir venu, éclate un orage, tandis que le grondement du tonnerre couvre l’appel à la prière du muezzin, on remercie le ciel pour cette grande lessive salvatrice.
Quand un appareil photographique de 160 g
surprend un appareil photo de 14 kg
À marée descendante régulièrement les colonies de mouettes déplacent leur campement pour se tenir au plus près des flots. Préférant les vastes miroirs de sable mouillé, restant longuement immobiles, à quelle songerie peuvent-elles se livrer ainsi captives de leur reflet ?
Sur les lieux de leurs précédents rendez-vous, leurs fientes étalées, se détachant sur le sable encore brun d’humidité, prennent, sous les rayons du soleil déclinant, une teinte bleutée — comme autant de touches de ciel déposées là par l’invisible pinceau d’un fantasque artiste rêveur.
Face à la plage les vagues sont assez fortes pour permettre à quelques jeunes du coin de s’exercer à la pratique du surf. En d’autres périodes des surfeurs plus confirmés viennent investir le site.
Loin de la plage, là où la côte n’est plus qu’affleurement de rochers, entre océan et dunes, quelques marginaux ont aménagé leurs habitations de fortune — faites de branches soutenant des bâches de plastique et des lambeaux de vieux filets de pêche — protégées des assauts du vent par des empilements de pierres. Installés à bonne distance les uns des autres, ils vivent en solitaires — un peu comme des Robinson Crusoé. Ils récoltent à marée basse les coques présentes à profusion dans les rochers, plus rarement pêchent, et disposent des bois flottés pour leurs feux de camp. Ils ne se rendent guère à la ville que pour y faire provision d’eau potable et y acheter quelques pains.
Les coquillages sont servis avec le rince-doigts
Celui qui, au cours de ses flâneries le long de la côte, se laisse aller à la rêverie peut y rencontrer Don Quichotte de l’Océan, vaillant pourfendeur de la pollution des plages.
Bribes de voyage
Maroc 1 Rabat / Dakhla