Gaoua
Le trajet de Banfora à Gaoua, 190 km de piste, toute une expédition ! Achat du billet pour le minicar à 8h (avec une place à l’avant, en principe on est moins serré), un départ effectif à 10h30 et une arrivée à 16h30 ! (6h pour faire 200 km, ce après 2h30 d’attente). Le car ne part que lorsqu’il est plein, s’arrête souvent pour faire descendre des passagers ou en prendre de nouveaux, et la piste n’est pas très bonne, surtout lorsque l’on est en surcharge. Ce qui prend le plus de temps c’est à chaque fois de défaire et refaire les cordages qui arriment les bagages sur la galerie du toit — chèvres et passagers compris (ceux qui voyagent en classe supérieure !). La banquette à côté du chauffeur est prévue pour deux passagers (j’étais assis au milieu). Pas de chance, sur la moitié du parcours un troisième passager a été placé à l’avant, assis très inconfortablement, le bout des fesses sur une partie du siège du chauffeur et les pieds posés sur le rebord d’un vide poche, avec appui sur ma jambe où il a soigneusement essuyé ses sandales sur mon pantalon. Heureusement que je ne m’étais pas changé pour partir, il fallait voir à l’arrivée l’état de mes vêtements et, pire encore, celui de mon sac (avec en plus de la poussière des traces de graisse). Quant aux passagers de la galerie, lorsqu’ils sont descendus il leur aurait suffi de rester immobiles pour être pris pour des statues d’argile. De couleur ocre, de la pointe des cheveux au bout des orteils, ils avaient fière allure !
Visiter en moto l’habitat Lobi traditionnel (ressemblant à l’habitat du nord-ouest du Bénin) et une mine de chercheurs d’or.
Arrivés au village Lobi, le pneu de la roue arrière de la moto s’est dégonflé (une rustine s’était décollée). Nous aurions eu encore moins de chance si cela s’était produit en cours de route. Le temps de la visite et de boire un dolo, c’était réparé. Deux heures plus tard, après la visite de la mine, au moment de repartir le pneu de la roue avant était à son tour dégonflé, double crevaison ! Là encore de la chance dans notre malchance, on a pu faire réparer sur place.
Le site de la mine d’or est assez spectaculaire ! Si ce n’est qu’en ce jour de vendredi férié (pour cause de Mouloud, fête musulmane) peu de mineurs étaient au travail. À côté du chantier s’est construit une véritable ville de cahutes avec restaurants, épiceries, débits de boisson ambiancés, mécaniciens... deux militaires armés y patrouillent en permanence, aujourd’hui ils étaient attablés devant une bière. Il y a même un chef de village que nous sommes allés saluer comme il se doit. Il m’a dit “il faut donner de l’argent”. Je lui ai répondu “mais je n’ai pas trouvé d’or ! ce sera pour une prochaine fois”. Ça s’est terminé par une accolade dans la bonne humeur.
Outre le tamisage et le lavage classique de la terre remontée des galeries, certains la broient en fine poudre, la dilue dans de l’eau additionnée de mercure et la font ruisseler sur des tapis (tout cela à mains nues et sans aucune protection contre la toxicité du mercure). Le travail dans ce genre de mine est dangereux surtout à cause des risques d’éboulement, les galeries n’étant pas suffisamment étayées (d’ailleurs l’activité est en principe interdite en période de pluie où le risque est le plus élevé), les accidents ne sont pas rares mais, nécessité oblige, l’attrait de l’or reste le plus fort.
Il est difficile pour les voyageurs d’aller sur ces sites, les mineurs n’appréciant guère les regards étrangers.
Visite sur le parcours, entre le village Lobi et la mine, d’un autre site d’orpaillage où ce sont des enfants et adolescentes qui creusent une multitude de trous avec des galeries à 50 cm de la surface.
J’ai pris le temps d’observer le travail d’une orpailleuse, depuis la sortie de sa bassine de terre de la cavité dans le sol jusqu’au résultat final. Après plusieurs étapes de lavage et de tri : trois poussières d’or à peine visibles. On imagine combien il en faut pour que ça fasse un peu de poids ! Ceci dit s’il y a quelques poussières à chaque fois, c’est vrai que ça encourage et donne envie de continuer. Comment résister à l’attrait de l’or quand on n’a pas d’argent !
Le marché de Doudou à 15 km a lieu tous les 5 jours, outre le marché habituel (fruits et légumes, vêtements et quincaillerie) c’est là que les orpailleuses viennent vendre leur or (l’orpaillage se pratique depuis toujours dans la région, en creusant de petites cavités, c’est traditionnellement l’affaire des femmes et aussi des adolescentes voire des enfants — les grandes mines artisanales réservées aux hommes et l’exploitation industrielle par de grosses compagnies constituent des activités plus récentes, amplifiées ces dernières années du fait de l’explosion du prix de l’or sur le marché international). Le commerce familial de l’or s’y passe dans la simplicité et sans problèmes apparents d’insécurité, pourtant il y a tout de même d’assez grosses sommes d’argent qui circulent et bien sûr les grains d’or.
Aujourd’hui à Gaoua c’est grand marché…
“Bonne arrivée” et autres civilités : La formule “bonne arrivée” est emblématique de l’accueil burkinabé réputé chaleureux. Une autre expression d’usage aussi systématique est “vous êtes invités”, toutes les fois que quelqu’un s’apprête à manger en présence d’autres personnes. Au début le nouveau venu répond d’une manière circonstanciée, par exemple « merci bien, c’est gentil mais je viens juste de prendre mon repas ». Puis on réalise, en se sentant presque stupide, que ce n’est qu’une formule de politesse à laquelle il suffit de répondre “merci”. Heureusement pour la personne qui, dans un maquis bondé, va manger une assiette de riz (imaginez que tous les clients la prenne au mot !)... Quant aux salutations, elles sont toujours à rallonges : « Bonjour, ça va ?... et la famille ?... et le travail ?... et la matinée ?... ». Comme partout ailleurs ce sont surtout des automatismes, souvent tout en posant la question on pense déjà à autre chose et l’on se soucie guère de la réponse.
Faire feu de tout bois : Dans un continent où la corruption règne en maître, les colloques sur la bonne gouvernance, financés par l’aide internationale, sont les bienvenus : ils offrent l’occasion de détourner un peu plus d’argent.
Nous sommes en pleine coupe d’Afrique des Nations. Le soir du match opposant le Burkina à l’Éthiopie, le Burkina ayant gagné 4 à 0, ce fut la fête improvisée dans le centre ville. (L’équipe du Burkina terminera 2e du championnat, un exploit.) Les jeunes en moto fonçaient dans tous les sens en criant, faisaient mine de foncer dans la foule et tournaient au dernier moment. Ils se croisaient à vive allure, certains debout sur leur moto. J’avais peur qu’ils se percutent. En fait je n’ai vu que deux dérapages incontrôlés, la moto se couchant au sol sans trop de dommage pour son conducteur. Des groupes de jeunes filles dansaient. C’était le grand défoulement.
À votre santé ! En pays Lobi, alors qu’à 7h30 du matin je prenais un café à un kiosque de bord de piste, des jeunes sont venus boire une double dose de Pastis, sans eau, servie dans des petits verres et bue d’un trait. Il y a de nombreux lieux de vente d’alcool dans tout le pays (excepté peut-être le Sahel), dans la moindre épicerie, dans une multitude de petits débits de boisson, y compris le long des pistes au milieu de nulle part. Les boissons traditionnelles, bon marché, sont à la portée des plus modestes : le dolo (bière de mil ou sorgho) et le bangui (vin de palme). Ceux qui ont de l’argent préfèrent aller dans les maquis boire des bières qui trônent sur les tables comme autant de trophées. On vend de l’alcool fort (l’alcool de vin de palme est très fort) au verre ou en bouteille, et aussi en petit sachet en plastique (surtout pour le rhum local). Dans la région de Gaoua les cabarets sont légion, il y en a partout. En ce qui concerne la consommation de dolo, les femmes ne sont pas en reste et lorsqu’elles sont accompagnées de leurs très jeunes enfants, ceux-ci ont parfois droit à leur fond de calebasse — c’est que le dolo ça rend costaud. Il y a aussi bien sûr des gens sobres qui ne consomment que de l’eau.
Satanée poussière ! On met un pantalon propre, après une demi-heure seulement de marche sur une piste, les faces internes des jambes du pantalon sont toutes auréolées d’ocre. Quant au tee-shirt, l’humidité de la transpiration fixe tout aussi vite la poussière. À chaque passage d’une voiture, ou même d’une moto à grande vitesse, c’est un nuage dense qui s’élève (quant au passage des camions !...). S’il y a un peu de vent ce peut être mieux à condition d’être du bon côté de la piste. En ville comme sur les pistes beaucoup circulent avec un masque en tissu sur le nez. C’est à la nuit tombée que l’on prend la pleine mesure du problème, à la lumière des phares on se croirait en plein brouillard ! (On voit alors mieux la poussière mais je pense qu’il y en a aussi plus, ce doit être dû à un phénomène atmosphérique retenant la poussière au sol.)
Il fait trop chaud pour s'agiter, trop chaud pour lire, trop chaud pour faire la sieste... la galère quoi !
Les balades matinales dans la brousse à la rencontre des villageois ne cessent d’être agréables et sont souvent pleines de surprises — telle cette “boîte de nuit” qui vient d’être construite en pleine brousse, à sept ou huit km de la ville, là où il n’y a que des petits hameaux à l’habitat traditionnel.
On voit sur des photos d’époque dans le petit musée de Gaoua sur la culture Lobi que l’artisanat, poteries et vanneries, est resté exactement le même depuis un siècle.
La cuisson des poteries, la préparation du dolo (les fours sont très photogéniques), les fétiches-sentinelles à l’entrée des habitations...
Au Burkina plus de la moitié des gens sont musulmans et environ un quart chrétiens et un quart animistes. Cependant quelque soit sa religion pratiquement toute la population est plus ou moins imprégnée des valeurs traditionnelles animistes. Ces “ fétiches ” chrétiens me semblent un bel exemple de syncrétisme.
En bord de piste une femme marchait avec un énorme fagot de grosses branches sur la tête tout en donnant le sein à son bébé qu’elle tenait devant contre elle.
Bribes de voyage
Burkina Faso 1 Bobo / Banfora