Bakel
S’asseoir sur des rochers dominant le fleuve Sénégal. Regarder les longues pirogues à moteur, celles qui traversent le fleuve, faisant la navette d’une rive à l’autre, transportant des passagers ou chargées de matériaux (souvent des sacs de ciment, du Sénégal à la Mauritanie), celles, plus rares, qui suivent le cours du fleuve de ville en ville.
Quelle ambiance ces villes africaines ! Les petits restos de rue, le café Touba (à la saveur épicée si particulière), le bissap servi frais ... et le plat quasi unique : riz avec quelques légumes et un peu de poisson. Des ânes (toujours ces beaux ânes gris, tous pareils) déambulent seuls dans les rues (ils font les poubelles) et parfois déboulent soudainement à trois ou quatre, mieux vaut rapidement s’écarter pour libérer le passage...
Des hérons et de beaux oiseaux dont je ne connais les noms — un bleu turquoise avec le bout des ailes noir ... Une sorte d’écureuil gris avec une belle queue en panache ... Les bergers avec leurs troupeaux de chèvres ou de zébus. Les femmes cueillant des baies ou lavant le linge au bord du fleuve. Les carrioles tirées par un, deux, voire trois ânes, plus exceptionnellement par un cheval. Les forçats de la terre qui travaillent dur pour de maigres revenus, sur des sols arides en cette saison (rares sont ceux qui disposent d’une motopompe).
Trop chaud pour marcher. Trop chaud pour palabrer. Trop chaud pour écrire. Trop chaud pour lire. Trop chaud pour la sieste... Dur, dur, la vie de voyageur !
Ourossogui-Matam
J’ai repris, comme l’autre fois, une chambre à l’Auberge Sogui, donnant sur une terrasse en partie ombragée d’où j’écris.
Il y avait des abris de planches, servant de commerces, tout le long de la rue jouxtant l’Auberge Sogui, dans le quartier du marché. L’auberge était ainsi dissimulée, on apercevait à peine son enseigne. Maintenant toutes ces cabanes ont été enlevées, la rue, désormais bordée d’un large espace sablonneux, se trouve considérablement élargie. L’auberge bien dégagée, dont la façade a été repeinte, apparaît toute entière avec son enseigne qui saute aux yeux. À mon arrivée, en remontant la rue, à la recherche de l’Auberge cachée, je suis passé devant sans la voir !...
Un air de Mauritanie. En Mauritanie le long des routes il y a des petits restos sous paillote avec, devant, des lits à disposition des routiers où ils peuvent dormir à la fraîche sous le ciel étoilé. J’ai par le passé eu l’occasion de profiter de ces opportunités (et dire que maintenant, avec l’insécurité, je n’oserais plus le faire...). J’ai découvert ici, en pleine ville, non loin de la gare routière et d’une station service, un resto de ce type, avec devant de nombreux lits “tout confort” (les lits sont faits de rondins de bois assemblés serrés, sur lesquels est disposé un mince matelas avec drap et oreiller). C’est un endroit agréable pour manger, prendre le thé ou boire un café Touba.
À Matam il y a toujours les vestiges du port fluvial colonial — le quai en béton et les bittes d’amarrage. Le quai ne sert plus aujourd’hui qu’à faciliter la décharge des ordures sur le bord et dans le fleuve. Ce qui n’empêche pas, à chacune de ses extrémités, les gens de s’y laver, de laver le linge et d’y toiletter des animaux (des chèvres et boucs).
Aujourd’hui c’est jour de grand vent (l’harmattan) et il y a beaucoup de “neige” (poussière) selon une expression locale. Un temps parfait pour flemmarder...(la terrasse de l’auberge est assez hospitalière par tout temps). (Deux enfants venus jouer un moment sur la terrasse — après avoir touché ma peau et mes cheveux — en me voyant remplir rapidement une page m’ont dit, d’un air très sérieux, que c’était bien... puis ils m’ont demandé si j’allais à l’école !
Podor
À l’endroit de l’ancien port fluvial, l’esplanade ombragée dominant le fleuve, avec les maisons coloniales des marchands de l’époque (entrepôts au rez-de-chaussée, appartements avec balcon ou terrasse à l’étage), garde un parfum de nostalgie. Lors de mon précédent voyage, seule une de ces maisons commençait à être restaurée pour faire une maison d’hôte, maintenant il y en a trois autres (les clients y sont rares, ce ne doit pas être la meilleure saison). Au bout du quai, à l’ombre sous les arbres, c’est du matin à la tombée de la nuit un lieu de rendez-vous pour les palabres — et c’est très convivial (j’y passe un moment chaque jour). C’est aussi le lieu de départ et d’arrivée de la pirogue qui fait la navette avec la rive mauritanienne. Nombreux sont ceux qui ont de la famille, et font des affaires, des deux côtés du fleuve.
Un minibus transportant des écoliers n’était pas seulement bondé, toute la galerie était remplie d’enfants, assis sur le toit serrés les uns contre les autres (ils y étaient plusieurs dizaines, un bus à deux étages en somme). À chaque pays ses normes de sécurité ! surtout pour le transport d’enfants !...
Lisant sur le bord du fleuve, tranquillement assis à l’ombre d’un arbre, un froissement de feuilles sèches a attiré mon attention : une sorte de varan (comme un gros lézard d’environ 1 m de long) se dirigeait vers moi. Alors que je sortais mon appareil photo, me voyant bouger, il a aussitôt fait demi-tour pour aller se dissimuler dans les fourrés.
Bribes de voyage
Sénégal 1 Bakel / Podor