Figuig Une ambiance de bout du monde
La région est isolée (la frontière avec l’Algérie est fermée), on la dirait presque “abandonnée”, les étrangers de passage sont rares. Des petits cafés où l’on peut aussi manger “sur le pouce”, des gens particulièrement accueillants, tout, en somme, pour vivre heureux “hors du temps” (mais pas trop longtemps tout de même).
On ne se lasse pas des balades dans les palmeraies, bien qu’elles soient moins entretenues qu’avant et que les ksour perdent de leur authenticité (de plus en plus de maisons “en dur” remplacent les maisons de pisé), cela reste très beau et dépaysant.
Qu’importe le temps qu’il fait : j’ai ma grotte, avec vue imprenable sur le ksar de Zenaga et sa vaste palmeraie, où je vais m’installer pour lire ou “méditer”, abrité du vent, de la pluie ou du soleil. Elle n’est pas isolée, c’est aussi un lieu de passage et les occasions de bavarder sont nombreuses. C’était jadis le refuge d’un mendiant que l’on appelait “Mon père” (en arabe). Suis-je sa réincarnation ? À considérer la surprise des gens quand ils me voient là et leur bienveillance à mon égard, on pourrait le croire.
Les habitants sont contents parce que cette année il pleut plus que d’habitude. Je vais donc être content avec eux. Ce ne sera pas difficile si le reste du séjour est comme aujourd’hui : un ciel sans le moindre petit nuage — totalement bleu.
De discussions avec Mustafa, moustachu débonnaire, et Mohammed, barbu plus taciturne, (tous les deux “philosophes”), de balades dans les palmeraies, du jeu du labyrinthe dans les ruelles couvertes des vieux ksour, à la lecture de poèmes, le temps s’écoule paisiblement...
Une petite souris vient rendre visite toutes les nuits pendant le sommeil. Je ne laisse pourtant pas une dent sous l’oreiller, d’ailleurs elle n’apporte pas de cadeaux, au contraire elle vient grignoter une ou deux dattes dans la réserve de fruits. Pas de problème, c’est avec plaisir que l’on partage avec elle.
C'est un univers tranquille où l’on peut vivre avec trois fois rien.
Tinghir
Tinghir est surtout connue pour les Gorges du Todgha (à 15 km), je préfère les balades dans les palmeraies aux alentours de la ville. Il y a de nombreux grands ksour en ruines, j’aime y flâner en imaginant leur splendeur passée...
Ces maisons en terre sont parfois hautes de quatre étages. Les ksour en ruines sont souvent le refuge de chiens errants qui ne sont pas du tout agressifs, mais au contraire plutôt craintifs (et quand on voit les enfants leur lancer des pierres on comprend pourquoi). Pas très loin de ces imposantes ruines, des villages construits en parpaings ont pris le relais. Sans doute est-ce inévitable, c’est en tout cas non seulement une architecture remarquable qui disparaît mais également un mode de vie, d’organisation sociale, c’est dire toute une culture. D’ici une dizaine d’années il n’en restera plus grand-chose.
La vie est paisible dans ces palmeraies de chaque côté de l’oued Todgha où les femmes viennent faire la lessive. Les rencontres y sont agréables, bien que souvent limitées par la langue. Les gens y sont manifestement assez pauvres et sollicitent fréquemment de l’argent aux étrangers de passage (pas seulement les enfants, des personnes de tous les âges et notamment des femmes).
Plus on fait de balades plus on est émerveillé par la beauté des paysages : plateaux rocailleux, falaises, oueds asséchés, villages typiques en ruines et bien sûr les nombreuses “palmeraies” — en fait il y a plus d’oliviers que de palmiers.
À la saison de la récolte des olives, les garçons et les hommes battent les branches avec de longues lattes, et lorsque cela ne suffit pas ils montent dans l’arbre, quant aux jeunes filles et aux femmes elles ramassent les olives tombées sur des bâches étalées au pied de l’olivier. Les gens sont très accueillants et discutent volontiers — avec en prime le sourire.
Et toujours les gamins qui proposent des gazelles et des chameaux en feuilles de palmier tressées. Ils n’étaient pas nés que leurs aînés faisaient déjà la même chose. Une tradition locale en somme.
Certains quartiers en contrebas du centre-ville ont une allure de place de village où il fait bon boire le thé en terrasse d’un café. Il n’y a quasiment pas de circulation automobile et le rythme de vie y est très reposant. On peut y voir des gens passer beaucoup de temps à remplir leur fiche de Loto (ils semblent réfléchir intensément). Une heure durant un monsieur, resté seul à sa table, a considéré avec une grande attention (sans la quitter des yeux ne serait-ce qu’un instant) une fiche de Loto déjà validée — comme s’il tenait là dans ses mains le sort de sa vie (je me demandais à quoi il pouvait bien penser pendant tout ce temps).
Bribes de voyage
Maroc 1 Rabat / Dakhla