Dagana
Dans le vieux bus qui nous a amené ici, entre les planches disjointes, je regardais la route défiler sous mes pieds. Dagana est une bourgade aux rues de terre poussiéreuses. Il n’y a pas grand chose à y voir et à y faire. Le seul endroit relativement agréable est, comme à Podor, le vieux quai de l’ancien port fluvial colonial. Ailleurs l’accès au fleuve n’est pas commode, ni plaisant : champs clôturés, marécages à l’eau croupie, décharges publiques à ciel ouvert...
Dimanche soir presque tous les gens étaient devant un poste de télévision à regarder une compétition de lutteurs (la lutte est au Sénégal le sport national). Lorsque leur favori a remporté le combat, tout le monde s’est mis à crier sa joie — les filles sautaient et dansaient dans les rues.
Je connais maintenant les raisons de cet enthousiasme. Un des deux lutteurs était un imposant athlète, l’autre moins costaud a été blessé à une arcade, pourtant, à force d’obstination et de courage, c’est lui qui a fini par l’emporter — la victoire du plus faible sur le plus fort, voilà ce qui a suscité une aussi grande adhésion du public (en quelque sorte une revanche par identification).
Le mardi est le jour où le bateau fluvial de St Louis, transportant des touristes, fait escale (il s’ancre au milieu du fleuve en face du quai) avant de poursuivre jusqu’à Podor (d’où il fait demi-tour).
(Il en est ainsi des correspondances de la mémoire : à regarder ce pourtant paisible bateau — permettant à une poignée de touristes de faire, en toute sécurité, une agréable croisière fluviale — je repense au Joola. Le bateau — toujours surchargé, à l’ambiance inoubliable, pitoresque et conviviale — qui reliait Dakar à Ziguinchor, en longeant la côte océane et en remontant une partie du fleuve Casamance. Je l’ai par le passé plusieurs fois pris pour me rendre en Casamance notamment, ce qui m’a particulièrement marqué, très peu de temps avant son dramatique naufrage : des centaines de morts !)
Que dire du sort des ânes !? recevant des coups à longueur de journée — certains ont l’échine écorchée. Ça ne cesse de me crisper — et me fait penser à la réflexion sur le sujet de Chateaubriand (voir dans ce site la rubrique En relisant Chateaubriand). Par contre les chevaux eux ont généralement droit à beaucoup plus d’égard. On leur fait quotidiennement prendre un bain dans le fleuve.
La statue récemment érigée d’une Reine, figure historique locale, fait polémique : « Une femme fumant la pipe ! ce n’est pas un bon exemple pour les jeunes... ».
Le problème a depuis été résolu : on lui a "volé" sa pipe !
Un aller-retour Dagana-Richard Toll. À l’aller le taxi avait un pare-brise “toile d’araignée” tant il présentait de brisures en tous sens, ses pneus étaient usés jusqu’à la trame et ses roues tellement voilées qu’il tanguait comme un bateau. Celui du retour n’avait pas de démarreur, il fallait le pousser pour mettre le moteur en marche, et, une fois les passagers installés, le chauffeur attachait les portières avec des bouts de ficelle pour qu’elles ne s’ouvrent pas en cours de route.
St Louis
Grâce au vent frais de l’océan, fini la grosse chaleur, le temps est agréable. Le mythique pont Faidherbe reliant l’île St Louis au continent (pont métallique qui depuis plus d’un siècle défiait le temps) est en cours de remplacement par un nouveau pont métallique presqu’à l’identique.
Sur les sept tronçons du pont cinq sont déjà remplacés et un autre ne va pas tarder à l’être (à proximité un sixième tronçon est prêt pour la substitution, de l’autre côté un vieux tronçon est déchiqueté par la puissante pince coupante d’un énorme crabe métallique et la ferraille est chargée dans des camions).
Au départ et retour de pêche, le défilé des grosses pirogues motorisées, sillonnant le fleuve à vive allure, est toujours aussi spectaculaire.
Depuis mon précédent passage sur l’île St Louis il y a beaucoup plus d’anciennes maisons coloniales qui ont été restaurées (la plupart avec l’aide financière de villes françaises)
Bribes de voyage
Sénégal 1 Bakel / Podor