Les lémuriens catta
Les lémurs catta sont l’emblème de Madagascar, on les trouve dans le sud et les forêts de l’Ouest. Avec leur longue queue annelée noir et blanc ils sont divinement beaux et attendrissants. Trois ou quatre colonies vivent au parc d’Anjà en milieu naturel — une petite forêt cachée dans les blocs d’un massif granitique. Parce qu’ils y sont protégés et qu’ils reçoivent fréquemment la visite de touristes, ils sont comme semi apprivoisés — si peu farouches que l’un d’eux est venu s’installer sur mon épaule. Outre les lémuriens j’ai vu un gros caméléon qui semblait venir tout droit de la préhistoire. Nous avons escaladé des rochers — le paysage est magnifique — visité des grottes et vu une ancienne sépulture nichée dans une anfractuosité. Il est difficile de trouver les mots pour exprimer l’émotion que l’on ressent dans ces moments privilégiés...
Fianarantsoa
D’Ambalavao à Fianarantsoa il n’y a qu’une soixantaine de km vite parcourus (les taxi-brousse sont nombreux). N’ayant pas eu le temps de prendre mon petit déjeuner, en arrivant je suis allé boire un café et manger de délicieux beignets dans une petite cahute (celle à la fenêtre au rideau vert que Valérie et Manu m’avaient conseillée). Depuis la chambre de la maison d’hôte la vue sur la campagne est agréable — des hameaux à flanc de colline et des rizières. À peine installé, comme à mon habitude, je pars explorer la ville ; elle est divisée en trois secteurs : ville basse, plus populaire, ville haute, plus ancienne (avec cathédrale) et ville intermédiaire, plus moderne et pôle administratif. Implantée sur plusieurs collines sa topographie est compliquée, d’où l’intérêt de prendre ses repères. Certains quartiers sont plaisants et il y a de belles balades à faire dans les environs, en accédant notamment aux divers points de vue dominant la ville, comme la colline surplombant la cathédrale ou le site de l’imposante statue de la vierge à l’enfant veillant sur les habitants...
Fianarantsoa est une ville très éclatée, il faut parcourir de grandes distances pour aller d’un quartier à un autre. Et, de plus, de nombreuses églises, écoles, lycées, l’université, se trouvent à la périphérie, parfois loin de la ville. La religion chrétienne y est implantée de longue date et les églises catholiques, protestantes et même orthodoxes s’y font la concurrence — sans compter les nombreux courants sectaires. Outre la cathédrale datant du 19e siècle, on y trouve de nombreux édifices religieux : églises et temples. C’est sûrement une des régions où les enfants sont les plus scolarisés. La plupart des établissements scolaires sont tenus par les religieux. Même à l’université une grande église en occupe le centre. Discutant avec des étudiants, alors qu’à l’université de Tana ils menacent de faire grève (bourses insuffisantes, cité universitaire en piteux état...), en regardant les nombreux et imposants bâtiments de la cité universitaire, je leur disais : ici au moins ça va... Ils m’ont répondu : «vu de l’extérieur ça a l’air bien, mais vous n’avez pas vu l’intérieur !...». Il y a tout de même 6000 étudiants, ce n’est pas rien !
Mes balades dans la campagne environnante me conduisent dans des hameaux et des rizières qui ne sont accessibles dans bien des cas que par des sentiers escarpés. Je regarde les paysans et paysannes travailler : ceux qui coupent les épis de riz à la faucille, ceux qui font des bottes et les portent sur la tête jusqu’à l’aire de battage, et enfin ceux qui battent les gerbes sur un socle — généralement un épais plateau de bois. Puis le riz est mis à sécher, étalé sur des bâches devant les maisonnettes de briques d’argile et au toit de chaume.
La chambre est parfumée à l’odeur de goyaves — je crois que je n’ai jamais mangé autant de fruits qu’ici. Et je bois encore plus de cafés qu’au Sénégal et qu’au Maroc — on en vend, avec des beignets, dans presque toutes les rues et souvent sur le bord des pistes. Dans les cahutes des villages on puise le café avec la tasse directement dans la marmite posée sur la braise, et dans les petites paillotes de bord de piste il est conservé au chaud dans de grands thermos. Dans les restos populaires (à un prix dérisoire pour nous) la cuisine est délicieuse, par exemple du riz et de la viande de porc cuisinée avec du manioc et des épinards.
Impressionnant ! Ce matin vers 7h30 j’ai vu passer, sur une piste jouxtant la ville, une “caravane” de troupeaux de zébus qui s’étirait sur pas loin d’un km... Les hommes qui les conduisaient avaient tous un gros baluchon noué avec une cordelette et porté comme un sac à dos. Quel spectacle ! Je me suis renseigné : le convoi venait d’Ambalavao (là où se tient le grand marché aux zébus) et allait à Tananarive (pour livrer les bêtes) — soit un trajet de 400 km couvert en deux semaines. Pour le transport des zébus certains marchands utilisent des camions, cependant le convoyage traditionnel (à pied) se pratique toujours (parce que sans doute plus économique).
Nous sommes allé voir le studio du photographe malgache Pierrot Men (le plus connu) où sont exposées nombre de ses photos d’art en noir et blanc.
Dans les monts du Betsileo le climat est assez reposant (il ne fait pas la grosse chaleur souvent humide de la côte). Ce matin le temps est couvert, il pluviote et fait relativement frais. Pour le petit déjeuner je suis allé au plus près — tant pis pour les délicieux beignets de la cahute au rideau vert. Cette cahute au bord de la piste est plus grande, très rustique, les gens — il y avait cinq personnes — y prennent surtout de la soupe (soupe aux spaghettis) en guise de petit déjeuner (comme chez nous avant — et parfois encore — à la campagne). En chemin on croise des ribambelles d’enfants — avec leur blouse verte ou bleue, unie ou rayée — allant à l’école, la plupart marchant pieds nus (ou avec des tongues en plastique, rarement à leur pointure). J’attends un peu que le temps “se lève” pour partir voir ce qu’il en est de ce grand marché du vendredi.
Est-ce parce qu’il y a tant de gens qui marchent pieds nus qu’il est ici beaucoup plus facile de se couvrir la tête que les pieds ? Il y a des chapeaux et surtout des casquettes partout, mais pour trouver une paire de socquettes il faut pas mal marcher. On en trouve d’occasion, mais bon... dans une autre vie peut-être (en attendant, luxe suprême, je m’en paye des neuves !). Ce marché n’a rien de particulier si ce n’est qu’aujourd’hui il déborde largement son périmètre habituel (spécialement aménagé) et s’étend sur tous les trottoirs et de nombreuses rues des quartiers adjacents. Il est comme souvent réparti en différents secteurs : fruits et légumes, habillement, quincaillerie... On y trouve de tout et bien sûr les inévitables contrefaçons de toutes sortes. (Le temps est resté couvert — dommage pour les photos !)
Bribes de voyage
Madagascar 1 Tana / Tuléar