EXTRAITS de mon JOURNAL DE VOYAGE
Bobo-Dioulasso
En centre ville se trouvent la place de la mairie, la vieille mosquée et les anciens quartiers où le soir venu le voyageur en quête d’authenticité peut se rendre dans un des nombreux cabarets, lieux privilégiés de rencontres dans la bonne humeur (à condition toutefois de s’y faire accepter). On désigne par “cabaret” l’endroit où l’on vient consommer la bière de mil, la boisson traditionnelle la plus prisée (appelée dolo au Burkina et tchoukoutou dans le nord du Bénin). Ces lieux de consommation du dolo sont le plus souvent aménagés dans les cours des maisons d’habitation des femmes qui le préparent sur place (dans des fours à cuves).
Outre la mosquée, le plus bel édifice à Bobo est sans doute la gare.
L’artisanat est assez riche et varié au Burkina (masques, sculptures bois et bronze, batik, poteries, vanneries...), dans certaines villes les boutiques sont plus nombreuses que les touristes et afin d’attirer plus efficacement l’attention les sculptures et autres productions, à l’instar de la plupart des commerces, occupent largement rues et trottoirs.
Un café-concert dans le jardin de l’Institut français.
Un brocanteur m’a montré une “pièce d’antiquité”, un vieil habit (en guenilles), veste et bonnet ornés de coquillages et autres gris-gris, d’un chasseur en me disant, le plus sérieusement du monde, qu’avec ce vêtement on est invulnérable, le corps étant protégé de tout risque de blessure. De la pure magie quoi !
Les margouillats à tête jaune n’arrêtent pas de faire des pompes, je me demande bien pourquoi ils ont ainsi besoin de se muscler les pattes avant !
Un boutiquier d’une trentaine d’années m’a présenté la jeune fille de 22 ans que sa famille a choisie pour lui. Ça fait un an qu’il retarde la date du mariage faute d’argent, mais maintenant il y a urgence il doit se marier avant la fin de l’année sinon il déshonorerait les familles. Devant elle il me disait : par la suite si je rencontre la femme de ma vie je la prendrai pour deuxième épouse. Mais peut-être que lorsqu’on se connaîtra mieux ce sera elle “la femme de ma vie”.
Dans le car qui nous a conduit de Bobo à Banfora un couple de retraités français était assis devant moi (ils devaient avoir environ soixante-dix ans, c’était sympathique de les voir voyager ainsi). Le siège en vis-à-vis d’eux était occupé par un colporteur ivoirien (c’est aussi la route pour la Côte d’Ivoire et la frontière n’est pas très loin). Il a tendu une savonnette à la femme qui lui a dit qu’elle n’en avait pas besoin. Il a alors précisé « c’est un cadeau ». Sur l’emballage était inscrit en gros 500 frs. Elle lui a répondu « je ne peux accepter, c’est trop d’argent ». Il a insisté — on ne peut refuser un cadeau — elle a fini par la prendre. Dans ces cas là on se sent généralement quasi obligé de donner de l’argent — comme un cadeau en retour. Bien que la technique soit éprouvée, on ne gagne pas à tous les coups ! La femme ne lui a rien donné en échange. Tandis que l’on entendait un chanteur à la radio : “ma condition c’est la misère, ma distraction c’est la galère...”.
Banfora
Banfora est une petite ville fort agréable avec son marché animé.
Pour visiter les sites touristiques (au Burkina comme au Bénin et au Togo) on peut choisir un guide avec moto et monter derrière lui. Aujourd’hui, en prévision de prochaines balades, un guide était fier de m’emmener voir sa moto — elle était remisée dans sa chambre à côté de son lit.
Seules les routes principales sont goudronnées, avec les pistes de latérite et les rues terreuses, la poussière ocre s’insinue partout, les vêtements ne restent pas propres longtemps ! Mieux vaut en prendre son parti et s’en accommoder, finalement le style auréolé ne manque pas de charme !
Les Burkinabés sont particulièrement accueillants — ce n’est pas seulement une légende (bien qu’ici comme ailleurs les relations de voyage restent superficielles, pleines de malentendus et le plus souvent intéressées — il ne faut tout de même pas trop rêver).
Deux sites proches de Banfora : les cascades de Karfiguéla et les dômes de Fabédougou.
J’aime faire de grandes randonnées dans la brousse environnante pour visiter les villages. Les gens sont particulièrement étonnés de voir un Blanc se promener dans la brousse — et pour le comble à pied ! (alors que l’on est venu et que l’on va repartir en avion !). Ils ne comprennent pas que l’on puisse se balader ainsi pour le plaisir, sans autre but que regarder... (eux lorsqu’ils marchent c’est pour aller chercher de l’eau, du bois... aller vendre au marché... c’est toujours pour faire quelque chose d’utile, alors que moi à leurs yeux je marche pour rien).
Il y a au Burkina une mosaïque d’ethnies qui semblent cohabiter sans problème, mais en fait la société est très cloisonnée (ne serait-ce que du fait de la diversité des langues parlées). Lors d’une de mes randonnées, je m’étais arrêté en milieu de journée, toujours à l’ombre de manguiers (dommage que ce ne soit pas la saison des mangues), pour manger à proximité d’un marigot où les Peuls passent pour abreuver leurs troupeaux. Trois Senoufo me tenaient compagnie, lorsqu’un berger peul s’est accroupi pour boire à même le marigot, ils m’ont dit sur un ton moqueur : “Regarde le Peul qui boit de l’eau sale !”...
Le marché est important tous les jours à Banfora mais plus encore le dimanche (jour de grand marché). Ce dimanche, dernier dimanche de l’année, il y avait foule. Je l’ai arpenté toute la matinée, réussissant à faire quelques belles photos (ici c’est très difficile de prendre des photos, la plupart des gens s’y opposent — ou demandent inconsidérément de l’argent).
La Côte d’Ivoire ne s’est pas encore bien remise de la guerre civile (il y a encore eu récemment des heurts sanglants), une partie de la population éprouve de l’hostilité à l’égard de la France et du Burkina (qui ont favorisé la chute du précédent régime), c’était le principal débouché commercial des productions maraîchères de la région, maintenant il y a surproduction. Quantité de fruits et légumes (tomates notamment) sont en abondance sur le marché et restent sans acheteurs (la vie des cultivateurs est encore plus difficile). Pourtant les productions agricoles de la région sont importantes : immenses champs de canne à sucre, champs de coton, rizières et en moindre quantité mil et maïs. Quant à l’artisanat on trouve surtout au marché des poteries et de la vannerie (notamment de très belles corbeilles).
Ici comme dans toute l’Afrique les motos chinoises ont envahi le marché, il faut admettre qu’elles en mettent plein la vue, belles et d’un bon gabarit, de plus elles coûtent trois fois moins cher que les motos de marque (japonaises ou européennes). Quant à leur fiabilité ?... Bakari, un mécanicien, m’a dit qu’à la condition de bien les entretenir elles duraient quatre ans ; après elles ne cessent de tomber en panne et on ne peut véritablement les réparer (l’acier des pièces mécaniques étant de qualité insuffisante). Me montrant deux mobylettes Peugeot il a précisé qu’elles avaient 15 ans et qu’elles marchaient toujours bien...
Aux voleurs ! Bakari m’a parlé d’un vol qui avait eu lieu quelques jours avant dans un entrepôt pas loin de son atelier. Dans la nuit vers les trois heures du matin des voleurs sont entrés par le toit en soulevant une tôle ondulée. Devant le bâtiment le gardien de nuit, allongé sur un banc, dormait fermement (avait-il abusé du dolo ?). Des riverains ayant entendu des bruits suspects se sont levés et ont crié “au voleur !”. Le gardien s’est réveillé en sursaut, debout un coupe-coupe à la main et un couteau à la ceinture. Après avoir réalisé ce qui se passait il s’est mis à la poursuite des voleurs. C’est alors que des gens accourus pour prêter main forte se sont emparés de lui, l’ont désarmé sans ménagement et attaché ! (pendant que les véritables voleurs disparaissaient dans la nuit). Bakari en riait encore (je le suspecte néanmoins d’avoir quelque peu arrangé l’histoire à sa façon) mais n’est-ce pas bon de rire !
Les manguiers sont en fleurs, à partir de mars je pourrai profiter de leurs délicieux fruits. Avec l’augmentation de la température les mouches se montrent parfois particulièrement agressives... bon sang pourquoi s’acharnent-elles sur les yeux !?
En Afrique aussi il y a des drames de la route — en dépit de la “magie” africaine. Pour ces accidents, selon les autorités et les informations diffusées, « Heureusement il n’y a pas eu de morts… seulement des blessés ».
On a refait le toit de paille de la case d’à côté, j’ai ainsi pu assister à l’ensemble de l’opération, intéressant et instructif.
Tengréla
Sept kilomètres au sud de Banfora, Tengréla, un petit village situé à proximité d’un lac, est célèbre pour ses hippopotames — encore faut-il pouvoir les apercevoir... Le soir à la tombée de la nuit à défaut de les voir on peut les entendre lorsque l’on se promène aux abords du lac.
Faire de longues balades dans les villages environnants, et le tour en pirogue sur le lac pour aller voir les hippos — en fait on ne voit pas grand-chose, ils sont assez loin et sortent à peine de l’eau (il faudrait des jumelles et un appareil photo avec un téléobjectif puissant). On peut aussi contourner le lac à pied pour aller les observer depuis la rive — c’est un peu mieux que depuis la barque. Toutefois là où on les voit le mieux c’est sous la paillote du restaurant du campement — des hippos en bois sculpté y sont exposés pour la vente.
Un couple de Français et leurs trois enfants sont partis huit mois pour visiter l’ Afrique en vélo. Le père a une remorque à deux roues accrochée derrière son vélo, où est assise sa petite fille — leur plus jeune enfant. Suit la mère, son vélo est prolongé d’un bras articulé avec roue, guidon et selle, où est installé un deuxième enfant (ça fait une sorte de tandem à trois roues). Et le plus âgé des enfants ouvre la marche en occupant la tête de la caravane avec son propre petit vélo. C’est assurément un mode de locomotion familiale original, mais il ne faut pas craindre la poussière des pistes, soulevée par le passage des voitures et camions, ni dans de telles conditions les dangers de la circulation.
Le soir près du lac deux jeunes gens font rentrer leurs cochons au bercail (juste avant la tombée de la nuit) en leur tirant dessus avec un lance pierres, à voir les cochons courir c’est très efficace !
Au plus fort de la chaleur il est agréable de passer les après-midi à l’ombre des manguiers, face au lac. La quiétude n’y est perturbée que par un escadron de pintades (bruyante terreur des basses-cours) qui ne cesse d’harceler les poules qui osent empiéter sur leur territoire.
Ici dans la région la religion dominante (hormis l’animisme) est l’islam, le village possède une petite mosquée et l’appel à la prière rythme le temps. Pas le moindre signe rappelant Noël (si ce n’est peut-être la tenue “endimanchée” de quelques personnes — c’est tout de même officiellement jour férié). Quand je pense à la frénésie des achats en cette période en occident, le contraste est saisissant !
Lisant à l’ombre d’un manguier, entouré de chèvres couchées, se reposant, et d’enfants jouant avec trois fois rien : des bouts de bâton, des boîtes qu’ils remplissent de terre... Une petite fille fait mine d’appeler avec un portable, elle dit sur le ton de la réprobation à son interlocuteur imaginaire : « alors cet argent tu l’apportes !?».
Bribes de voyage