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Maroc 13 Tanger / Tétouan

 

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    TANGER

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    Carton d’invitation

    Lorsque je réside quelque temps à Tanger je vais régulièrement dans le grand jardin public à côté de la médina. Que l’on s’assoit sur un des nombreux murets ou que l’on s’allonge sur une pelouse, l’habitude est d’utiliser un morceau de carton — pour éviter de se salir mais surtout pour plus de confort. À quelques mètres de l’endroit où je fais une pause, un groupe d’hommes se réunit pour palabrer, une bonne partie de la journée, pendant le Ramadan. L’un d’entre eux vient le matin avec une petite pile de bouts de carton sur laquelle il s’assoit. À chaque arrivée d’un ami il en offre un morceau pour qu’il puisse s’installer confortablement. Et le troisième jour j’ai eu droit à mon carton de bienvenue...

 

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    Ambiances Ramadan
  
    Toute la ville vit à l’heure du Ramadan. Elle tarde à s’éveiller ; en quittant la pension (vers 8h30) il m’arrive d’être le premier à sortir ; j’enlève alors la lourde barre de fer qui ferme de l’intérieur la grande double porte d’entrée. Les laiteries et les cafés restent fermés la journée (ils constituent au moins un tiers des commerces). Les cafés fermés et leurs terrasses vides, cela suffit à changer la physionomie de la ville. Restent ouverts pour les étrangers un café et un restaurant sur l’esplanade d’Espagne (après la sortie du port) et les deux cafés chics de la place du Petit Socco. Par chance pour nous (c’est que le cuisinier commence dès le début de journée à préparer les repas du soir) un petit resto populaire en bordure de la place du Grand Socco est ouvert à midi (c’est le seul) ; à l’heure où nous y allons prendre notre repas nous sommes les seuls clients (et nous nous installons hors de la vue des passants). Autrement il n’y a que les bars-restaurants des grands hôtels qui sont à la disposition de leur clientèle étrangère.
    Le soir montent jusqu’à notre balcon des odeurs de pâtisseries au miel qui viennent nous chatouiller les narines.
 

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    Toute la journée (pour ceux du moins qui en ont les moyens) c’est une frénésie d’achats alimentaires en prévision du festin du soir et de la nuit. Des ventes temporaires de pâtisseries au miel s’installent sur certaines des terrasses des cafés alors libres et les boîtes de dattes arrivent par camions entiers, elles vont alimenter les épiceries et des étals de bord de rue. Dans les lieux publics l’ambiance est généralement bon enfant et familiale. Toutefois la privation d’eau et de nourriture et, plus encore, de tabac peut engendrer de l’agressivité. Les altercations, plus ou moins rudes, ne sont pas rares — on en voit tous les jours.
    Quelques heures avant la levée du jeûne, dès 16-17h, les laiteries ouvrent pour permettre aux gens de venir s’approvisionner, entre autres en laitages, gâteaux, pain et dattes. Nous en profitons pour y manger un “raïp” (yaourt maison) et une pâtisserie. Le plus impressionnant c’est au moment de la levée du jeûne. Les commerçants ont déjà fermé boutique (ils vont rouvrir plus tard et pour nombre d’entre eux jusqu’au milieu de la nuit) et en quelques instants toutes les rues se vident — plus de circulation automobile, plus de piétons. C’est alors une atmosphère étrange — quelque peu surréaliste. La plupart des gens se sont précipités chez eux pour manger, dans les ruelles désertes ne résonne plus que le bruit des couverts. Ceux qui mangent au restaurant y ont pris place bien avant l’heure de la délivrance, ils sont assis devant leur bol de soupe fumante et attendent le signal. Les jardins publics ne sont pas pour autant totalement désertés, il y a ceux qui attendent avec leur sac de provisions. Eux aussi se préparent à l’avance : ils déballent leur nourriture et la dispose avec soin à côté d’eux sur le banc ou le muret sur lequel ils sont assis. C’est que le signal donné (par les haut-parleurs des mosquées) il convient de ne pas perdre une minute pour manger — excepté pour ceux dont la première urgence, après le verre d’eau, est d’allumer une cigarette. Sur la place du Grand Socco ils ont même un marchand de soupe, qui vient avec deux grands seaux et des bols en plastique, ainsi qu’une marchande d’œufs durs. Quant aux rares commerçants qui n’ont pas fermé leur échoppe, ils ont tout prévu pour manger copieusement et confortablement sur place. Autant dire que pour ceux qui ne font pas le Ramadan, ce n’est pas le meilleur moment pour aller dîner (les restaurants ouverts sont bondés) et après, passée la ruée, il ne reste pas grand chose. Il y a tout de même quelques restaurants, disposant d’énormes marmites, qui servent de la soupe jusqu’à tard dans la nuit. On peut ainsi y aller manger en toute tranquillité.
    Les rues et les jardins publics se repeuplent ensuite et la cité reste plus ou moins animée pratiquement toute la nuit. Pas étonnant après ça que la ville peine pour reprendre ses activités le lendemain...

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    La valse des cartons

    Les gens ayant veillé presque toute la nuit pour pouvoir se restaurer, inutile de préciser que le jour venu ils ne sont guère vaillants. Les grands jardins publics sont une aubaine. Ils permettent aux gens de tous âges et toutes conditions sociales de s’y retrouver pour faire la sieste. Se côtoient aussi bien les clochards que les employés de banque en chemise et cravate (ils ont “tombé la veste”), en passant par les commerçants et les mères de famille avec enfants. Pour les premiers certains d’entre eux habitent en quelque sorte les jardins publics, ils y sont en quasi permanence ; le matin on les retrouve couchés et endormis en divers coins, enveloppés dans une couverture ou un sac plastique et étendus sur leurs cartons. Deux ont pour habitude de dormir entre les racines en forme d’aileron d’un grand arbre qui leur offre ainsi une sorte de niche, leur chien couché à côté. Tous les sans travail, beaucoup de jeunes, y restent également pratiquement toute la journée et une grande partie de la nuit. Les autres, ceux qui travaillent, cadres, commerçants des quartiers voisins, viennent par intermittence s’y allonger le temps de récupérer un peu. Tous ces rendez-vous quotidiens et ces chassés-croisés sont propices aux rencontres et aux discussions.
    Dès le matin les prévoyants apportent leur morceau de carton. Les minimalistes ont un bout de carton de dimension modeste leur permettant de s’asseoir plus confortablement dans l’herbe ou sur les murets. D’autres arrivent avec un carton entier déplié leur permettant de s’allonger dans l’herbe en se protégeant de l’humidité (les pelouses sont arrosées tous les jours) et avec moins de risque de tâcher leurs habits. Mais tout le monde n’est pas prévoyant. Et nombreux sont ceux qui, moins bien installés, lorgnent sur les cartons des autres. Dès que quelqu’ un part en abandonnant son carton, il y a toujours quelqu’un d’autre pour le récupérer. Parfois plusieurs personnes, mine de rien, tranquillement convergent vers le même objet de convoitise. Et au dernier moment l’un d’eux accélère et rafle la mise ; de deux choses l’une : soit tous se mettent à rire, soit les autres continuent leur chemin comme s’ils n’étaient pas venus pour ça... Il y a des moments bénits pour les démunis, ce sont les appels à la prière : tous ceux qui se lèvent pour se rendre à la mosquée offrent une bonne opportunité à tous ceux qui sont à l’affût. Ainsi tout le long de la journée — et jusqu’à tard dans la nuit — c’est la valse des cartons ! De bon matin les jardins publics étant nettoyés, les cartons épars ramassés (ce qui constitue un petit appoint pour les employés qui les récupèrent, les ficellent en paquets et les vendent au kilo), chaque jour tout recommence.
 

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    TÉTOUAN

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    Un lieu hors du temps

    J’ai retrouvé avec grand plaisir la petite place “moyenâgeuse” des couturiers et fumeurs de kif. Bien dissimulée au cœur du labyrinthe des ruelles de la médina, seulement desservie par deux étroits passages, aucun touriste ne vient s’y perdre. Hors du temps, rien, ou presque, n’a changé depuis mon précédent séjour. Toujours les habitués du petit café, les mêmes artisans avec les mêmes techniques (la couture aux longs fils croisés manuellement par un jeune — dans la médina de Tanger c’est un appareil électrique qui croisent les fils). Manque le fabricant d’étui à “sebsi” (pipe à kif) qui s’installait en son milieu (près des plantes vertes) pour toute une journée de travail (fréquemment entrecoupée de pauses thé ou café au lait, accompagnées d’une pipe de kif). Un nouvel artisan couturier sans échoppe y a pris place à même le sol, dans un coin, assis en tailleur sur un tapis. Il s’y installe accompagné d’une chatte avec son chaton ; elle somnole à ses pieds, étalée de tout son long, son petit, repu, entre deux tétées, somnole de même à ses côtés. Lorsqu’il fait une pause il se plaît à les caresser. Parfois c’est la chatte qui fait des chatteries à son chaton en le léchant et le mordillant dans le cou. Sous le couvert de vigne protégeant un peu de l’ardeur du soleil, les après-midi et les soirées y sont généralement sereines. Mais il n’en a pas été ainsi aujourd’hui. (La plupart des habitués fumeurs de kif, souvent des commerçants des ruelles voisines, usent à bon escient de leur passe-temps favori. Quelques-uns cependant semblent abuser, ils sont plus accro que les autres. On les repère aisément à leur regard vitreux. Et l’état de manque rend forcément “nerveux”.) L’un des habitués, particulièrement bavard et parlant fort, a en fin de matinée perturbé le paisible équilibre du lieu. Je ne comprenais pas les propos et donc les enjeux du contentieux. Mais tour à tour chacun s’en est mêlé. Le ton est vite monté et on est passé très près du pugilat. Heureusement que quelques personnes avisées ont su habilement jouer les modérateurs au bon moment. Et finalement tout s’est terminé dans la rigolade — bien que pas vraiment franche (rire un peu forcé tout de même, l’atmosphère restant quelque peu tendue).

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    Petite arnaque

    Dans la plupart des cafés on sert le verre de café ou, le plus souvent, de café au lait avec un verre d’eau fraîche. Et quand il fait très chaud, comme en ce moment, on apporte même une grande bouteille d’eau. On peut aussi, alors sur demande, avoir de l’eau en prenant un thé. En soirée nous buvions un thé, sous de grands arbres, à la terrasse d’un café situé dans un jardin public. Deux imposants gaillards d’une trentaine d’années sont venus s’asseoir à la table d’à côté (placée à l’extrémité de la terrasse). Têtes nues (l’un les cheveux très courts, l’autre le crâne rasé), ils ont commandé deux thés avec une grande bouteille d’eau minérale. Sitôt servis, le serveur reparti, ils ont sorti d’un sac deux casquettes rouges dont ils se sont coiffés, ont mis la bouteille dans le sac et ont tranquillement repris l’allée longeant la terrasse, laissant sans y avoir touché les deux verres de thé (et bien sûr sans avoir payé l’addition).

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    Jeux d’eau et de lumière

    Depuis la fenêtre de la chambre on a une belle vue plongeante sur la place Mouley-el-Mehdi. Elle forme un grand rond-point avec un bassin circulaire, avec au centre une fontaine à multiples jets d’eau, une couronne de gazon et de parterres de fleurs plantée de hauts palmiers. Trois rues s’y croisent et de nombreuses terrasses de café la bordent. Presque toute la journée et jusqu’au milieu de la nuit, la place grouille de monde et de circulation — ainsi que dans toute la ville. Cette région du Maroc est fortement marquée par la culture espagnole. La plupart des personnes parlent l’espagnol (très peu de gens parlent français). Lorsqu’il y a des embouteillages (ce qui est fréquent) tous les automobilistes se mettent à klaxonner, bonjour le vacarme ! Comme s’ils croyaient en un pouvoir magique du klaxon (à cela s’ajoutent les nombreux cortèges de mariage qui à toute heure du jour et de la nuit klaxonnent à tue-tête). En face en arrière plan de la place, une partie de la ville, accrochée à flanc de montagne, le jour étincelle de tous ses murs blancs sous le feu du soleil et la nuit brille de toutes ses lumières. De la fenêtre, aux premières loges, on a assisté avant-hier à un spectacle féerique (en quel honneur ? je ne sais — ce n’est pas ainsi tous les soirs). La fontaine était programmée pour un magnifique jeu d’eau et de lumières. Toute une variation de jets d’eau de grosseurs et de hauteurs diverses s’enchaînaient combinée à différents jeux de lumière. Tantôt des couleurs intenses unies : rouge fuchsia, bleu turquoise ou vert émeraude. Tantôt des couleurs pastel assorties : orange-jaune-vert-rose ou vert-bleu-jaune-violet. Et en apothéose un impressionnant jet d’eau s’est élevé plus haut que la cime des palmiers.

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  Bribes de voyage

  Maroc 11 Akka 

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