Tata
Le temps est magnifique (il paraît qu’en France il fait un temps exécrable !) — un ciel parfaitement bleu — quant à la température c’est encore mieux... on a le choix ! dans une rue + 22°, dans la rue d’à côté + 43° (selon les panneaux d’affichage de deux banques — sans doute une façon pour elles de se faire la concurrence).
Il y a bien par endroit, surtout certains jours, “la bête noire” du voyageur, la mouche — plus précisément les nuées de mouches. Si vous voyez un type faire des gestes brusques et désordonnés, contre toute apparence il n’est pas forcément débile — et si, contre toute vraisemblance (bien que parfois il en ait très envie), il se mettait à courir en sautant comme un cabri, il ne serait pas non plus fou à lier, il aurait tout bonnement “pris la mouche”.
«J’aurai longtemps vécu sans savoir grand-chose de la haine. Aujourd’hui j’ai la haine des mouches.» Nicolas Bouvier (L’usage du monde)
Tata a embelli, on a eu la fantaisie de suspendre aux réverbères des pots et fleurs en plastique du plus bel effet — sans compter les palmiers en habit de lumière et la fontaine merveilleuse.
Subsistent les nombreux arbustes (naturellement) fleuris. On aime Tata pour son ambiance du sud décontractée (dès que l’on s’écarte de la route principale) et surtout parce qu’il n’y a rien à y faire (excepté les inlassables flâneries dans la palmeraie — que la plupart des touristes de passage ignorent).
Passent trois Occidentaux en tenue des “mille et une nuits” — même dans un film ou sur une scène de théâtre on aurait trouvé leur déguisement excessif. La plus sûre façon pour un étranger de ne pas passer inaperçu c’est de chercher à se vêtir couleur locale. C’est ainsi que sans le vouloir (et sans même s’en rendre compte) nombre de touristes nous invitent au carnaval.
Les cimetières musulmans traditionnels — quelques pierres levées — sont un bel exemple d’extrême sobriété.
Taroudant
De toutes les villes du Maroc, Taroudant est certainement celle où la circulation est la plus chaotique. Les rues, tout en zigzags, sont de largeur variable — dans un apparent incroyable désordre s’y côtoient, s’y serrent et s’y croisent, camions, voitures, calèches, carrioles, motos, vélos... et piétons. Mieux vaut ne pas être trop distrait...
Dans la gargote où je suis allé manger un tajine, mon voisin de table (qui ne parlait pas français) m’a offert un quartier de la pomme qu’il avait apportée pour son dessert (en me prêtant son canif pour l’éplucher). Pour moi ces “petits gestes” valent bien plus que nombre de “grandes discussions” (si souvent futiles).
Sur la place principale les bonimenteurs proposant leurs remèdes-miracles sont nombreux. Il y en a de quatre sortes : les “herboristes” bonifiant les vertus des plantes, les “marabouts” associant le pouvoir de leur remède à des considérations mystiques, les “sorciers” style Afrique Noire avec leurs gris-gris, et les “pharmaciens” qui présentent le dernier produit révolutionnaire. Ils ont en commun de prétendre pratiquement tout soigner — généralement avec une seule potion magique (au pouvoir universel). Le plus délicat lorsqu’ils commencent leur baratin (la nuit à la lumière d’une lampe à gaz) c’est de retenir les premiers passants. Souvent un accessoire singulier (planche anatomique ou petit mannequin exhibant ses organes) ou un animal (“iguane du désert”), à même d’attirer l’attention, facilite bien les choses. Dès qu’il y a trois personnes qui écoutent, c’est gagné ! d’autres ont tôt fait de s’arrêter — et après ça va vite : plus il y a de badauds plus l’attraction est forte, et le cercle s’élargit rapidement. Haranguer les passants c’est vraiment tout un art ! Il leur faut à la fois se répéter (ne serait-ce que pour les nouveaux arrivants) tout en variant leur propos, pour maintenir l’intérêt de ceux qui restent et subjuguer de plus en plus l’auditoire — d’ailleurs le ton ne cesse de monter, gestes à l’appui. Il arrive qu’ils soient deux, se livrant à une sorte de jeu de rôle ou permettant à l’un de souffler pendant que l’autre prend le relais — le pouvoir de conviction (c’est dire la pression sur l’acheteur potentiel) est encore plus fort (et nombreux sont ceux qui veulent croire au miracle).
Dès que le montreur de serpents voit se profiler la silhouette d’un touriste, il s’empresse de jouer de son espèce de clarinette pour attirer l’attention, mais le plus souvent ça ne marche pas (et ses reptiles restent dans leur boîte à l’abri d’une couverture). Quant au porteur d’eau (qui depuis longtemps ne donne plus guère à boire) il a beau faire tinter sa clochette pour susciter une photo (moyennant quelques pièces), il n’a pas non plus beaucoup de succès. L’attrait de l’exotisme n’est plus ce qu’il était. (Les meilleurs clients sont les groupes qui suivent docilement leur guide.) Même ici, au Maroc, le folklore semble en peine.
Bribes de voyage
Maroc 11 Akka