Dans les pays où la vie est difficile pour la plupart des habitants, dès qu’une région s’ouvre au tourisme, on a tôt fait d’en constater les effets pervers. D’un côté les touristes, la mine épanouie (ne doutant pas un instant de la valeur de leur geste), distribuant généreusement menue monnaie (voire stylos ou friandises), de l’autre, ceux qui sollicitent à longueur de journée l’étranger de passage, et les enfants qui accourent de toutes parts : «bonjour Monsieur, bonjour Madame, comment tu t’appelles ? donne-moi de l’argent».
J’ai pour principe de m’abstenir de donner aux mendiants et quémandeurs de toutes sortes — c’est ainsi qu’on les avilit (avec notre condescendance) et les asservit (tout en se faisant plaisir), ce n’est pas comme ça que l’on peut régler leurs problèmes (sans une action politique). Mais c’est une position intenable. En voyage je fais fréquemment l’aumône — et c’est à chaque fois en éprouvant le même malaise. Et dire que certains se donnent ainsi bonne conscience !
«Vous sortiez de l'église et, d'un geste pieux,
Vos nobles mains faisaient l'aumône au populaire,
Et sous le porche obscur votre beauté si claire
Aux pauvres éblouis montrait tout l'or des cieux.» (...)
(Suivant Pétrarque) José Maria de Heredia