Il devrait y avoir la grosse pub ici, mais comme vous êtes d'e-monsite, on a mis ce petit bandeau à la place.

Maroc 2 Boujdour / Tafraoute

   

     Boujdour, ville de nulle part

    Boujdour (à environ 300 km de Dakhla et 200 km avant Laâyoune) est une bourgade qui est également, pour l’essentiel, de construction récente. Et comme Dakhla elle est aussi en train de tripler sa superficie, mais c’est surtout par de grands boulevards, à deux fois deux voies, qui semblent ne mener nulle part. Ils ont comme il se doit leurs impressionnantes rangées de réverbères, mais les terre-pleins centraux et les trottoirs ne sont pas aménagés (ou déjà totalement dégradés), peu de constructions les bordent et encore moins de véhiculent y circulent. Ici par contre on a bel et bien une impression de bout du monde.
    J’aime l’ambiance de ces bourgades en marge du temps.       

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    Exceptée la rue principale (sur la route Laâyoune-Dakhla), qui sauve la face, ici l’illusion ne tient pas. Un peu partout des chantiers (surtout de construction de bâtiments) sont interrompus, un marché couvert, créé il y a seulement quelques années, avec ses nombreuses loges est tout délabré et à l’abandon, seuls subsistent sur les lieux deux cafés en mal de clients. Ailleurs de nombreux autres commerces ont fermé et beaucoup survivent difficilement.
    La zone industrielle dans son ensemble, à peine née, semble déjà morte. Dans le petit port toutes les barques sont en cale sèche — l’activité, réglementée, est limitée à certaines périodes de pêche. («La saison de la pêche aux poulpes c’est du mois 6 au mois 8.») Les travaux pour la réalisation d’un grand port ont commencé, c’est peut-être là la clef d’un meilleur avenir.                   

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    À part ça ... Un chef-d’œuvre de l’art de rond-point : un courageux poulpe qui, avec ses petites tentacules, soulève un énorme poisson.
    Depuis la fenêtre de la chambre de l’hôtel un magnifique coucher de soleil sur l’océan.
    Une femme à sa fenêtre ... grillagée, entourée d’une guirlande de vigne vierge ... en plastique.
    Les serveuses de café et de restaurant sont une marque d’identité (ou une manière de se démarquer) des villes du Sahara Occidental.
    Je ne sais pas pourquoi les gens d’ici (et de Dakhla) appellent les pains au chocolat des croissants.
    Une station service carburant-mosquée-café-restaurant (?) (il y en a plusieurs comme ça, c’est un concept, pour le grand sud, d’une enseigne de stations-service).

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    Une meute de chiens, libres de tout maître, squatte un terrain vague proche de l’hôtel ; peu après le coucher du soleil et, au gré de leurs dissipations, au cours de la nuit, ils se livrent à des concours d’aboiements, du plus fort au plus long et déchirant ; certains y verraient un motif d’exaspération, j’y trouve un envoûtement propice aux songes (pour quelques nuits seulement).
    Un beau phare s’élève dans la ville même. Dès le soir, et pour accompagner la nuit au bal des étoiles, son élégante silhouette se pare d’un habit de lumière aux couleurs changeantes : rouge, vert, bleu, orange et violet. Il ne manque plus que le port et les bateaux...

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    Balade au bord de l’océan. Au-delà du secteur “aménagé” la plage de sable laisse place à des affleurements de rochers, en larges plaques, et à des accumulations de pierres, avec à l’arrière de vastes champs désertiques, parsemés d’une maigre végétation, en touffes clairsemées. Plus ou moins dissimulés dans le chaos des rochers, des abris aux murs de pierres sèches, parfois élevés avec art, parfois plus proches du tas de pierres, recouverts d’une bâche, servent de refuge à de rares pêcheurs.    J’y ai cependant vu deux familles avec enfants. Je suppose qu’elles n’y vivent pas en permanence. Autrement ces rivages ne sont fréquentés que par des colonies d’oiseaux marins. Aussi loin que porte le regard sur ces étendues de désert, je n’ai aperçu aucun troupeau, pas le moindre mammifère. Un bon bol d’air — corsé de vent...
    Une ville paisible (où, ici aussi, les gens sont avenants) pour passer quelques jours très tranquilles.

   

    De Boujdour à Laâyoune (mi-mars)

    C’est une bonne chose de quitter maintenant le Sahara Occidental, parce que le temps y devient instable et que débute la saison des vents de sable. Nous en avons eu un pendant les deux premiers tiers du voyage — plus ou moins fort. Par moments on se retrouvait enveloppés d’un nuage de poussière et l’on ne voyait presque plus rien — comme en plein brouillard. La plupart des bancs de sable qui se formaient sur la route n’étaient pas très importants. Nous avons cependant eu un passage difficile, nous nous sommes ensablés et avons dû descendre pour pousser le taxi. Et quelques mètres plus loin, avec le renfort de trois chauffeurs de camion, nous avons, non sans peine, et dans le vent de sable, tiré d’affaire un couple de retraités qui étaient eux aussi plantés dans le sable avec leur camping-car.
    Nous sommes repartis, du sable dans les yeux, le nez, les oreilles et la bouche, et c’est alors qu’il s’est mis à neiger ! ... Devant nous un gros camion-benne, chargé de sel, nous en envoyait régulièrement une volée. Mais dans ce taxi nous n’avions rien à craindre, nous étions super-protégés contre le mauvais sort : deux peluches d’animaux fabuleux, une réplique miniature en plastique d’un maillot d’un prestigieux club de foot, un chapelet, un ruban de satin rouge, des versets du coran, un gris-gris en plumes, marron, et une main de Fatma en métal argenté.

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    Goulimime et ses environs

    À la terrasse du café où je lis, un vieillard, frêle et élégant, s’est assis à côté de moi. Il n’arrête pas de marmonner, prit-il ? erre-t-il dans un voyage immobile ? En tout cas ce doit être un respectable sage, la plupart des personnes qui passent devant nous s’arrêtent pour le saluer. Alors que j’avais terminé mon café et qu’il venait de se faire servir un thé, il m’en a offert un verre. Par la suite nous avons bavardé — il murmurait plus qu’il ne parlait et je n’arrivais pas à comprendre tout ce qu’il me disait, alors pour combler les trous j’extrapolais tant bien que mal. Il a 85 ans, huit enfants dont il m’a énuméré les noms, il était professeur au Canada. Son sourire est éclatant. Cette rencontre s’est terminée en beauté par un voyage en musique : un vieil ami musicien est venu jouer de son espèce de violon (tenu en position verticale) et chanter pour lui.

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    La roue de la chance. En partance pour l’oasis de Tighmert où nous allions faire une balade dans la palmeraie, alors que nous attendions à l’ombre que le car soit sur le point de partir, avant de monter dedans, le chauffeur est venu vérifier les écrous de fixation de la roue arrière droite. Avec sa main il a passé en revue les différents écrous pour voir s’ils n’étaient pas desserrés. Effectivement l’un d’eux était dévissé, et il l’a revissé à la main (!) sans utiliser de clé pour le serrer. Ça je ne l’avais encore jamais   vu !... (Ceci dit, il n’a vérifié que les écrous de cette roue. Sans aucun doute il recherchait l’écrou qui régulièrement se dévisse — le filetage devant être esquinté, le bloquer avec une clé finirait de l’abîmer — les autres ne devant pas poser de problème. Mais quand même, ça reste surprenant.)
 

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    La palmeraie de Tighmert, comme la plupart des palmeraies du Maroc aujourd’hui, est très dégradée. Les murs de terre qui en font le charme sont presque tous écroulés, de nombreuses parcelles sont à l’abandon et, dans un bon quart des palmiers, les dattes ne sont même plus récoltées. Il n’est pas facile d’y circuler, les sentiers n’y sont plus guère entretenus, d’ailleurs nous n’y avons rencontré qu’une femme gardant son troupeau de chèvres et trois jeunes filles s’en revenant de l’école. Cependant la magie opère encore, il y a toujours des oiseaux chanteurs (dont certains sont très beaux) et le merle moqueur...

 

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    Tafraoute : rendez-vous avec l’imaginaire

    Depuis mon précédent passage (il n’y a qu’un an) la ville s’est embellie : des rues pavées, de nouvelles places aménagées, des façades ravalées, quelques nouvelles constructions et de nombreuses boutiques d’artisanat. Elle confirme sa vocation touristique. C’est la première fois que j’y vois autant de camping-cars — des couples de retraités presque exclusivement (Français et Allemands surtout). Je regardais, amusé, une femme balayer devant sa porte — balayer la natte étendue à l’entrée de son camping-car. Des rideaux de dentelle aux fenêtres et même des pots de fleurs ... l’esprit casanier en vadrouille en somme. Ces touristes sont peu aventureux, ils ne s’éloignent guère de leur résidence secondaire sur roues, lors des randonnées dans ce magnifique paysage, à part quelques bergers ou bergères, je ne rencontre pas gand monde.

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    Je ne peux me lasser de ce spectacle et c’est à chaque fois pour moi, au cours de mes balades, le même émerveillement et des émotions aussi fortes. Je m’interroge sur cet attrait. Ce paysage de Far West — plus quelques palmiers — doit être totalement en phase avec mon imaginaire. Le temps n’est plus — en général et pour moi — aux cow-boys et aux indiens mais il faut croire que la magie du décors opère toujours — avec son lot de réminiscences. Dans ce chaos de roches où l’on peut se perdre à loisir, on peut aussi se croire le pionnier d’un nouveau monde. Deux autres cadres conviennent à merveille à mon imaginaire : les grandes palmeraies, surtout celles qui sont restées “vivantes”, avec des gens qui y travaillent, des ânes et des oiseaux, des canaux d’irrigation et des sentiers bien entretenus — c’est tout un monde hors du monde ; les vieux ksour à l’abandon, comme un livre ouvert sur un temps et un monde révolus, avec des ambiances changeantes — selon le moment de la journée : au petit matin, en plein midi, à la nuit tombée — empreintes de mystère.

  
     En plein Far West — à Tafraoute

    Je suis passé sous une montagne (oui j’exagère un peu). Arrivé au fond d’un cul-de-sac, cerné de parois rocheuses abruptes, alors que je m’apprêtais à faire demi-tour, il m’a semblé discerner une imperceptible trace de sentier allant droit vers les rochers. Une des parois était constituée d’un énorme bloc rocheux comme posé sur le sol. Dessous un espace formait un sorte de grotte et, en rampant, un conduit permettait de passer de l’autre côté.
    Je suis allé sur le site des rochers peints. Que penser de ce genre de “prouesses artistiques” ? De l’œuvre originale (de l’artiste belge) il ne reste pas grand-chose et la resplendissante nature était sur le point de reprendre ses droits. Mais surprise, on s’amuse désormais à peindre en bleu et rose d’autres rochers aux alentours. Sans nul doute pour entretenir l’attraction touristique. Je me retiens de tout autre commentaire. Reste une consolation : ils ne pourront jamais les peindre tous !

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    J’ai découvert, bien dissimulée entre des pitons rocheux (d’aspect phallique), une plate-forme arrondie avec, en son centre, un rocher évidé en forme de chaudron. À n’en pas douter, c’est là que les sorcières se rassemblent pour leur sabbat nocturne sous la lune — mais je ne sais pas quand !

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    Hôtel particulier. Il m’arrive de passer le plus chaud de la journée à l’abri sous un énorme rocher, en plein Far West. Pas âme qui vive alentour. Si, un chien qui a son refuge une cinquantaine de mètres plus loin. La première fois, l’un et l’autre surpris, nous nous sommes mutuellement fait peur. J’y suis confortablement installé, pour y manger, y lire, même y faire la sieste, et me livrer à mon passe-temps favori : la rêverie. Je m’y suis fait un siège, à côté d’un rocher formant une table (sur laquelle je peux mettre les bras pour poser la tête), et il y a des niches dans la roche servant de rangements. C’est ça pour moi le grand luxe ! C’est un hôtel dont on ne saurait, la nuit tombée, compter les étoiles. Que puis-je ajouter : le calme infini, le somptueux paysage, la caresse du vent, le parfum du thym, la simplicité des fleurs (jaunes, blanches, violettes)... C’est aussi  — parmi d’autres — une certaine conception de la liberté. 

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    Quelle aventure ! Je suis parti pour une grande randonnée (de 8h30 à 18h30) dans un secteur que je ne connaissais pas. J’ai déniché, comme à mon habitude, un abri sous rocher pour y passer le plus chaud de la journée, mais cette fois c’était près d’une cascade — la fraîcheur, des fleurs, des papillons et le chant des oiseaux accompagnant le ruissellement de l’eau. Au retour, ne voulant pas refaire le même trajet, je me suis perdu dans le chaos des rochers. Je ne me dirigeais pas dans la bonne direction. Je m’en suis rendu compte grâce à mon ombre (comme quoi même “l’ombre de soi-même”... c’est tout de même quelque chose !) : elle était devant moi au lieu d’être à ma droite. J’ai modifié ma direction, mais j’avais beau monter sur les plus hauts sommets, je ne percevais aucun repère — et le soleil déclinait... J’ai fini par trouver mon fil d’ariane en une ligne électrique haute tension. À l’approche de la ville, n’ayant plus d’inquiétude, mon attention sans doute relâchée, je me suis retrouvé face à une vipère à un mètre de moi. Elle était à demi redressée et sifflait. Je peux dire que ça donne des frissons. Elle a été surprise avant moi, heureusement elle ne m’a pas laissée lui marcher dessus. Elle n’était pas très longue, mais grosse, marron clair, légèrement tachetée. J’ai fait un pas en arrière et elle s’est enfuie. J’en ai lâchement profité pour lui lancer des caillasses (mais je l’ai ratée). Était-ce pour évacuer ma tension ? ou le réflexe du chasseur de vipère que j’étais, adolescent ? C’est la première fois dans ce voyage que j’en vois une — maintenant je serai plus prudent (on me dit aussi de faire attention aux scorpions, mais je n’ai vu que des lézards, des petits marron-gris et des gros verts et jaunes).

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    Taroudant : ambiances

    Nouveau séjour à Taroudant : ses remparts et ses souks, divers et authentiques. De toutes les villes du Maroc que je connais, c’est celle où la circulation est la plus bordélique : les rues y sont à largeur variable (avec sans cesse des goulots d’étranglement) et n’ont en général pas de trottoirs (de toute façon au Maroc les trottoirs ne sont pas faits pour la circulation des piétons). Entre les vélos, les mobylettes, les voitures à bras et carrioles tirées par des ânes, les triporteurs, les automobiles, les camions et les calèches, circuler à pied (ou en véhicule) dans Taroudant, c’est sans cesse dessiner des arabesques — et cependant pas question d’être distrait ! C’est une cité, paradoxalement, à la fois très animée et tranquille — de taille humaine, sans prétention, tout en offrant un bon échantillonnage des ambiances urbaines du Maroc. Le voyageur y trouve une large gamme d’établissements pour l’accueillir (pour tous budgets) : hôtels, restaurants, cafés... du plus modeste — voire franchement miteux — au plus confortable (surtout si l’on inclut, dans les environs, la Gazelle d’Or, où Jacques Chirac a ses habitudes). Il n’y a plus qu’à dénicher quelques lieux à l’atmosphère singulière propices à la rêverie.

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    Sur la grande place (al Alaouyine), entourée des terrasses des cafés et restaurants, l’après-midi, des montreurs de serpents et des marabouts avec leurs gris-gris (plumes, os et petits animaux momifiés) attirent les badauds en espérant le passage (assez peu fréquent mais financièrement plus intéressant) des quelques groupes de touristes. Le soir, ce sont les bonimenteurs et conteurs qui prennent le relais.

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    J’ai trouvé mon petit coin de paradis, pour lire et prendre le thé l’après-midi : une petite cour rectangulaire, entourée d’arcades sur les quatre côtés, abritant un café et des boutiques d’articles divers (accessoires pour bébés, vêtements, bagages...). Deux étroits passages pour les piétons permettent d’y accéder, pas de véhicules, le calme et la verdure : deux arbres, dont un oranger garni de ses fruits, et des parterres de fleurs qui attirent les papillons. J’aime ces micro-sociétés, observer les habitudes des uns et des autres : celui qui met des miettes de pain pour les oiseaux, l’aveugle conduit par un enfant jusqu’à la terrasse du café, les commerçants qui font leurs ablutions rituelles avant la prière ...

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Bribes de voyage

  Maroc 1 Rabat / Dakhla 

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