Madagascar 4 Manakara

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    Manakara

    Le seul train de voyageurs de Madagascar relie Fianarantsoa à Manakara — une ville de la côte est (océan indien). Il met environ 8h pour parcourir 170 km — avec un dénivelé de 1200 m, 21 tunnels, 42 ponts et 17 gares desservies (sur le parcours la plupart des villages n’ont pas d’autre voie de communication). Une véritable expédition, pleine de promesses.

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    Parti de bon matin de Fianarantsoa et arrivé en milieu d’après-midi à Manakara, le voyage (d’une durée de 9h) a été à la hauteur de mes attentes. De nombreux touristes empruntent ce train, il faut dire que tout le long du trajet les paysages sont magnifiques. Le train comprenait trois wagons de passagers (un de 1ère classe et deux de 2e classe) plus un puis deux wagons de marchandises. J’ai préféré, comme quelques autres vazaha, voyager en 2e classe avec les gens d’ici — à certains moments à trois sur des banquettes de deux avec, entassées partout, des marchandises (sacs et paniers de fruits et légumes notamment, sans parler des volailles...) qui rendaient la circulation intérieure acrobatique. Forcément dans ces conditions le voyage est un peu fatigant, cependant l’ambiance est très chaleureuse et bien sûr pittoresque. C’est le seul train en fonction qui subsiste de l’époque de la colonie française (un des tunnels excède un km de long !) — sans lui des populations seraient complètement isolées.

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    Chez Anatolie les chambres et bungalows ont des noms (d’épices notamment) au lieu de numéros. J’occupe la chambre “poivre”, c’est sans doute pour cela que hier soir je n’arrêtais pas d’éternuer (j’ai suggéré à Anatolie de changer le nom...). Comme à mon habitude lorsque j’arrive dans un nouvel endroit, ce matin j’ai fait une longue balade d’exploration dans la ville et aux alentours. En parcourant la campagne environnante, j’ai eu un aperçu de sa diversité : cultures, cocotiers, bananiers... plus étonnant, forêt de sapins. J’ai emprunté le pont qui traverse le fleuve Manakara et me suis promené sur la bande de terre (habitée) entre fleuve et canaux (sillonnés de pirogues) d’un côté et océan indien de l’autre. Après Ambalavao, Manakara est dans ce voyage mon deuxième grand coup de cœur.

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    On dit que sur la côte Est il y a deux saisons : la saison des pluies (qui se termine) et “la saison où il pleut” (qui commence). Hier et ce matin il a fait très beau, cette nuit il a plu (dans certaines rues les flaques d’eau rendent la circulation des piétons compliquée) et en ce moment le temps tourne à l’orage...

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    Madagascar est le pays des beignets : beignets de farine de blé de consistance et de formes diverses (plus ou moins mœlleux, en boules, allongés, en anneaux...), des beignets à la banane, aux crevettes, à la viande..., des beignets de maïs (très croustillants), des beignets de manioc (en petites boules, tendres à l’intérieur, en triangles, plus gros et plus fermes), des beignets aux herbes, des beignets fourrés à la pâte de manioc sucrée additionnée de noix de coco... et pour les plus aguerris des beignets au piment.

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    Le soir la plupart des rues ne sont pas éclairées, si ce n’est par les bougies des petits étals sur les bas-côtés. Il y a intérêt à ouvrir l’œil, ou plutôt à écarquiller les deux — les cyclistes pas plus que les pousse-pousse n’ont de lumières. Ça donne à la ville une ambiance très particulière, comme pleine de mystère. Il vient de se mettre à pleuvoir à verse — si c’est comme ça tous les jours, la pluie la nuit, et du beau temps le jour, ce ne sera pas si mal. Anatolie a mis une grande bassine sous un chêneau près de la chambre pour récupérer de l’eau, ça fait un bruit de cascade qui s’ajoute à celui de la forte pluie et, par intermittence, à celui du tonnerre. Lire quelques poèmes... puis se laisser bercer par la pluie. Un chat beige clair vient de pousser le rideau de la porte ouverte, pour souhaiter le bon soir — à moins que ce soit tout simplement pour se mettre à l’abri de la pluie...

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    Je connaissais les sablés mais pas encore le gâteau au sable... c’est excellent pour les dents ! Pendant que l’on préparait le café j’étais assis sur la chaise de la vendeuse et des passants, pour plaisanter, venaient me demander le prix des beignets... (je leur donnais le bon prix tout en vantant la qualité). Après la pluie de la nuit le ciel est parfaitement lavé de tout nuage, belle journée en perspective. Tiens un gecko... le premier à s’aventurer dans la chambre.

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    J’ai un problème ! De retour du site Internet, où je viens de consulter ma messagerie, j’y ai oublié mon chapeau. C’est assez loin d’ici — dans le quartier de la gare. Je pense à la formule : “quand on n’a pas de tête il faut avoir des jambes”. Mais à quoi bon avoir des jambes ? si je n’ai pas de tête... je n’ai pas besoin d’aller chercher mon chapeau. Je ne sais plus quoi  penser (sans tête) ni quoi faire (avec mes jambes)...

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    Je suis la désolation des “tireurs de pousse-pousse”. Un vazaha qui marche ! ce n’est pas normal. Ils commencent seulement à ne plus me proposer leur service. L’autre jour quand pour la énième fois on m’a interpellé “pousse-pousse vazaha ?” j’ai répondu “oui” et j’ai indiqué au gars le siège en lui demandant où il voulait que je le conduise. Je n’ai pas raté mon effet, ils ont ri, pourtant sur ce coup je n’étais pas très fier de moi (c’était une plaisanterie pour le moins douteuse : il s’agit de leur gagne-pain — dont ils ont grandement besoin).

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    Un pont métallique (peint en rouge brique) enjambe le fleuve Manakara : une voie centrale pour les voitures et de chaque côté deux couloirs, un plus large pour les pousse-pousse, un plus étroit pour les piétons (et en dessous la circulation des pirogues).

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    De l’autre côté du pont le quartier, entre fleuve et océan, présente de nombreux vestiges du temps de la colonisation française. On peut se faire une idée de la splendeur d’alors (Madagascar était le pays le plus prospère de la région — plus que la Réunion — on l’appelait “la Perle de l’océan indien”). Du port marchand il ne reste plus que de grands hangars désaffectés et des barges qui attendent d’être totalement mangées par la rouille (le canal est enlisé, maintenant seules les pirogues peuvent y naviguer). En retrait de la plage entre deux rangées de grands cyprès une promenade ombragée longe la côte sur quelques centaines de mètres. Il reste ça et là des ruines de ce qui devait être de splendides villas. La plupart des Malgaches âgés disent être nostalgiques du temps de la présence française — tout en étant fiers de la rébellion pour l’indépendance (en fait ce n’est pas la colonisation qu’ils regrettent mais c’est bien l’incurie actuelle qui les désolent). Ici comme dans presque tous les pays d’Afrique, à l’efficacité de l’administration coloniale a succédé l’instabilité politique et la corruption généralisée. Et Madagascar est devenu un des pays les plus pauvres au monde.

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    À l’embouchure du fleuve, à l’ombre sous des arbres, de nombreuses femmes attendent avec leur cuvette le retour de la pirogue de leur mari pêcheur. Après avoir mangé à un resto de bord de rue (table sous un arbre, avec nappe blanche, le luxe quoi), nous avons longé l’océan sur plusieurs kilomètres (le fleuve s’écarte progressivement de la côte, c’est la campagne avec quelques villages aux maisons de bois et toit de palmes).

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    Les vampires. Les plus assoiffés de sang ne sont pas forcément ceux que l’on croit. On craignait les moustiques, en fait étonnamment il y en a moins dans l’intérieur et sur la côte est (en ce moment du moins) qu’il y en avait sur la côte sud-ouest, ce sont les puces (et autres insectes non identifiés) qui sucent le sang. De chiens en chats et volailles, elles semblent ici avoir la vie belle.

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   Bribes de voyage

  Madagascar 1 Tana / Tuléar

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