Il devrait y avoir la grosse pub ici, mais comme vous êtes d'e-monsite, on a mis ce petit bandeau à la place.

Madagascar 2 Ambalavao

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    Ce matin à 6h au départ de Mangily le taxi-brousse, une camionnette bâchée avec deux bancs à l’arrière, était surchargé. Sur chacun des bancs, prévus pour cinq personnes, nous étions sept adultes serrés comme des sardines, plus dix enfants casés comme ils pouvaient (entre nos jambes, sur des genoux, debout, assis entre les bancs) — certains n’arrêtaient pas de tousser, d’autres dormaient quasiment debout, mais aucun ne se plaignait —, plus trois personnes sur le marchepied arrière. Nous étions 29 passagers (27 à l’arrière et 2 devant) plus le chauffeur et tous les bagages (entassés à l’intérieur et sur la galerie). Et nous avons encore pris une femme et son enfant en cours de route (32 personnes au total !). Nous avons ainsi fait une trentaine de km de piste — avec d’incessants dos d’âne et ornières. Nous nous sommes ensablés une fois — nous avons dû descendre et pousser la voiture (en fait moi je prenais la photo, c’est plus reposant).

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    De bon matin, avant la grosse chaleur, c’est une galère ordinaire — en pleine journée cela aurait été autrement plus inconfortable. (Sur les pistes le nombre de passagers des taxis-brousse n’est pas vraiment réglementé. Sur la N7 les minibus n’ont pas le droit de mettre plus de trois personnes par banquette, ce qui fait 15 occupants, c’est bien plus confortable — bien que l’excès de bagages, notamment sous les sièges, laisse peu de place pour les jambes et les pieds.)

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    Tuléar est une ville un peu “perdue” (dans tous les sens du terme) pas très agréable pour les touristes, mais pour les voyageurs qui prennent le temps de s’imprégner de son atmosphère — sous les averses la première fois et dans la chaleur, le vent et la poussière, aujourd’hui — elle n’est pas dépourvue d’intérêt. Quelques vazaha s’y sont échoués sans grand espoir de retour, certains machos-alcoolos cyniques y traficotent comme ils peuvent, d’autres marginaux-écolos sont franchement largués. La bouche pleine du pain qu’il mâchouillait un Français en vélo, d’environ la trentaine, l’air déjà vieux, les dents esquintées, un enfant sur son porte-bagages, m’a abordé. Il m’a dit fabriquer du pain au four solaire le matin et venir le vendre l’après-midi. Il en avait quelques-uns qu’il m’a proposé. Je n’avais pas besoin de pain, de plus le sien, tellement manipulé, ne m’inspirait pas confiance. J’ai hésité un instant, prêt à lui donner de l’argent, puis j’ai pensé que je risquais de le vexer en le traitant comme un mendiant. Il avait beau m’apitoyer avec son fils, je ne suis pas là pour “sauver les bergers égarés” — du reste je ne pourrais le faire (surtout pas avec quelques pains... et je n’ai pas le pouvoir de les multiplier).

 

    Ranohira

    Des cases rondes au toit de paille (style africain), nous sommes “chez Alice”. L’hébergement est situé à flanc de colline avec en face une belle vue sur le massif de l’Isalo (grand massif granitique — parc national très touristique). À l’accueil Alice doit se prendre pour Alice Sapritch (je ne sais si c’est délibéré, je n’ai pas osé le lui demander) — maquillage excessif et long fume-cigarette tenu avec une ostentatoire élégance guindée. Ce qui paraît pour le moins surréaliste dans un tel contexte !

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    Hier matin, au départ de Tuléar, le trajet en minibus a commencé de la meilleure manière, dans le respect du nombre maximum de passagers et sans une quantité excessive de bagages. C’est ensuite que la situation s’est dégradée. Un pneu est parti en lambeaux et il n’y avait pas de roue de secours !? On a dû attendre qu’un chauffeur des autres minibus de passage veuille bien prêter une roue. Puis plus tard lors d’un arrêt à Ilakaka (la ville Far West des chercheurs de saphir) ce sont les freins qui ont lâché (la durite de la roue avant droite a cédé). Ils ont essayé en vain de réparer, pour finalement décider de boucher le conduit et de rouler avec un freinage sur trois roues ! Tout cela a pris deux bonnes heures. Il ne restait plus que 25 km à faire pour arriver à Ranohira. Mais la plupart des autres passagers allaient à Fianarantsoa (le terminus) et avaient encore 300 km à parcourir dans ces conditions (freinage défectueux et pas de roue de secours). Un commerçant d’un certain âge, d’origine asiatique, qui prenait exceptionnellement le taxi-brousse, était particulièrement inquiet... il faut dire qu’il y avait de quoi. Il m’a parlé des nombreux accidents mortels en taxi-brousse (la plupart dus à des freins qui lâchent) et du fait qu’ils allaient rouler de nuit dans une région où il arrive que les taxi-brousse sont arrêtés par des brigands qui détroussent tous les passagers. Dans toute la mesure du possible mieux vaut en effet éviter d’avoir à rouler de nuit en voiture — y compris (même surtout) sur la N7. (C’est pourquoi il est préférable de partir tôt et de prévoir des étapes courtes, ce qui laisse une marge de sécurité pour les fréquents imprévus — sans compter que c’est aussi moins fatigant.)

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    Des militaires patrouillent en ville en treillis, avec leur gros fusil de guerre en mains et aux pieds des sandales en plastique.

    En dehors de l’exploitation touristique du parc (avec la ruée des guides sur les vazaha qui arrivent) la vie du village est paisible avec comme partout ses petits commerces et restos de rue. C’est la saison de la récolte des arachides et l’on en vend, à consommer fraîches, devant de nombreuses maisons.

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    Ce matin un car qui avait amené des touristes repartait à vide, le chauffeur a bien voulu nous prendre. Nous étions seulement six passagers dans un grand car tout confort — comme quoi les conditions de transport peuvent aller d’un extrême à l’autre.

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    Ambalavao 

    Ambalavao est une petite bourgade entourée de massifs granitiques, les maisons en brique avec balustrades de bois sont traditionnelles et parmi les mieux préservées de la région.

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    C’est ici qu’il y a le plus grand marché aux zébus, tous les mercredis. Il a fait chaud durant la journée et ce soir le temps tourne à l’orage — il tonne mais ne pleut pas beaucoup. Je pense qu’il fera de nouveau beau demain et que je pourrais mieux explorer la ville et ses environs immédiats. Tout au long de la route le paysage était magnifique : steppe, troupeaux de zébus, petits villages aux maisons de terre, quelques rizières et toujours en arrière plan de beaux massifs granitiques. (Il vient d’y avoir une coupure de courant, ce qui est fréquent, mais ça n’a pas duré.)
    À 20h30, comme pour me faire mentir, est arrivé un déluge de pluie avec un impressionnant vacarme au-dessus de ma tête (le toit est en tôles imitation tuiles plates). Je suis sorti m’installer sur le balcon couvert pour assister au spectacle : tonnerre, éclairs et trombes d’eau. 
   
    Le test enfants vaillants. Introduisez un vazaha dans un village malgache. Les enfants audacieux s’approchent en criant “vazaha, vazaha...” et les poltrons s’enfuient en pleurant (auraient-ils vu le grand méchant loup ?).

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    Aujourd’hui c’était le Grand jour à Ambalavao : grand marché hebdomadaire sur une grande place spécialement aménagée et grand marché aux zébus à la sortie de la ville — avec plusieurs corrals.

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    Toute la journée une foule bigarrée a déambulé dans les rues. Ce matin de bonne heure je suis parti faire une balade dans la campagne. Tout le long du chemin je croisais des paysans venant au marché. Pour la plupart nus pieds mais tous très dignes dans leurs plus beaux habits (ils vont au marché comme ils vont à la messe le dimanche). Nombre d’entre eux éventent dans leur sillage une prégnante et agréable odeur de fumée de feu de bois — leurs maisons ont rarement une cheminée (la fumée sort par la porte ou une fenêtre). Tous apportaient quelque chose à vendre au marché : une botte de cannes à sucre, une corbeille de légumes, une dinde, un canard ou un poulet, une carpette roulée en fibres végétales tressées... C’est ainsi qu’ils peuvent acheter à la ville les produits dont ils ont besoin.

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    J’ai traversé plusieurs villages et rencontré des gens travaillant aux champs (il faut voir l’aspect rudimentaire de leurs outils — j’ai photographié une brouette de leur fabrication : presque une œuvre d’art !...).

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    Au marché aux zébus j’étais le seul vazaha à circuler entre les troupeaux.

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    La nuit tombée, nous avons assisté à un grandiose “feu d’artifice” (sans artifice — offert par la nature) : d’énormes éclairs de chaleur ont illuminé les nuages à l’horizon, de manière continue pendant plus d’une heure. 

    Réveillé en pleine nuit par une meute de chiens qui aboyaient à l’unisson en geignant, cette étonnante plainte lugubre me faisait penser au texte de Lautréamont “Au clair de la lune...”.

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    J’aime Ambalavao (on y voit très peu de vazaha, les touristes de passage, en minibus ou en 4x4, n’y font qu’une brève étape, le temps d’un repas ou tout au plus d’une nuit), son authenticité et son ambiance particulière (l’architecture, les montagnes environnantes, le métissage asiatique des habitants des Hautes Terres... évoquent le Népal).

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    Aujourd’hui mes balades m’ont conduit dans des rizières — où j’ai discuté avec des agriculteurs parlant parfaitement le français — et dans de vastes étendues herbeuses où paissaient des troupeaux de zébus. Ambalavao se situe à la limite des Hautes Terres et des steppes du sud. Quelques dizaines de km plus au nord la région de Fianarantsoa (la capitale régionale) est très fertile — avec deux particularités : le thé et le vin (vins rouge, rosé, blanc et plus spécialement “gris”). Le vin malgache ne manque pas d’intérêt, un petit verre de “gris” (couleur pelure d’oignon) pour accompagner un plat de viande de zébu en sauce avec du riz, c’est fort agréable.

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    Pour jouer au foot les enfants font des ballons avec des sacs en plastique serrés en boule et enserrés dans un filet. Avantages : non seulement ça ne coûte pas cher mais ça ne fait pas mal aux pieds (ils jouent généralement pieds nus) et c’est increvable !

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    Pour couper l’herbe sur les bas-côtés de la nationale 7, à défaut de disposer de faux (et encore moins de faucheuses) les cantonniers utilisent des petites faucilles au bout d’un long manche qu’ils font tournoyer. Un travail de forçats ! sur des centaines de km ! (C’est ainsi depuis Tuléar jusqu’à Ambalavao.)

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   Bribes de voyage

  Madagascar 1 Tana / Tuléar